L’atteinte portée à la liberté d’expression d’un salarié emporte la nullité de son licenciement sans examen des griefs invoqués par l’employeur

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Un abus est caractérisé lorsque les propos reprochés sont excessifs, diffamatoires ou injurieux.

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Un employeur reprochait à une salariée « d’avoir, lors de l’entretien préalable, fait preuve d’insubordination en adoptant un ton agressif au lieu de se remettre en question et d’indiquer qu’elle essaierait de s’améliorer à l’avenir. Le courrier électronique de M. C., qui a mené l’entretien préalable, que produit la société, fait état du ‘ton agressif’ employé par cette dernière à cette occasion, et la lettre de licenciement fait grief à la salariée de son attitude ‘insolente et désobligeante’ durant cet entretien. »

Pour la Cour d’appel de Versailles, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’objet de l’entretien préalable est de permettre au salarié de se défendre, et n’a pas pour objet de le contraindre à faire amende honorable, et que dès lors, le salarié peut librement, dans ce cadre, réfuter les griefs avancés par l’employeur, quels qu’ils soient et ces dénégations, qui relève de la liberté d’expression, ne sauraient être retenues à faute par l’employeur.

En second lieu, la Cour d’appel de Versailles a considéré qu’aucune précision n’est apportée par la société concernant les propos agressifs, insolents, ou désobligeants qu’aurait tenus la salariée durant l’entretien préalable. L’employeur ne caractérise aucun élément permettant de retenir que les propos de la salariée auraient été excessifs ou injurieux, et auraient constitué, de ce fait, un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Dans ces conditions, le caractère agressif, insolent ou désobligeant des propos de la salariée, que l’employeur relie au fait qu’elle a réfuté les éléments qu’il lui présentait durant l’entretien préalable, revient à lui reprocher d’avoir fait usage de sa liberté d’expression dans l’exercice des droits de la défense.

L’atteinte portée à la liberté d’expression d’un salarié, liberté fondamentale, emporte à elle seule la nullité du licenciement, sans qu’il y ait lieu d’examiner les griefs invoqués par l’employeur à l’appui de celui-ci.

Le licenciement étant nul, le salarié, qui en fait la demande, doit être réintégrée dans l’entreprise, dans l’emploi qu’il occupait, ou, en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à celui qu’il occupait.

La nullité ayant été prononcée en raison d’une atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, en vertu de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le salarié a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.

La réparation est toutefois limitée au montant des salaires dont le salarié a été privée, et l’indemnité allouée à ce titre, qui a le caractère de dommages et intérêts, n’ouvre pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Cour d’appel, Versailles, 21e chambre, 18 Juin 2020 – n° 18/03264

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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