La CIPAV a été condamnée à 78.000 € de dommages et intérêts pour avoir « oublié » d’affilier et de demander des cotisations à un indépendant
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La CIPAV condamnée à des dommages et intérêts pour avoir généré du stress et de l’inquiétude
La Cour d’appel de Nancy a jugé que « selon la jurisprudence, une demande de réparation par équivalent tend aux mêmes fins qu'une demande tendant à l'exécution en nature d'une obligation (en ce sens et rapprocher, 2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi n° 02-15.062, Bulletin civil 2004, II, n° 99, 3e Civ., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-17.526, Bull. 2009, III, n° 248; 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35°).
IL résulte des dispositions des articles R. 641-1, R. 641-2, R. 641-3 et R641-4 du code de sécurité sociale dont le dispositions ont été reprises par l'effet de la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 aux articles L. 641-1, L. 641-2 et L 641-5 du code de sécurité sociale que l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales comprend une caisse nationale, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales chargée d'assurer la gestion de ce régime et des sections professionnelles, dotées de la personnalité juridique et de l'autonomie financière instituées par décret en Conseil d'Etat.
Selon l'article R. 643-1 du code de sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret 85-1353 applicable au litige, toute personne qui commence ou cesse d'exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d'un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. La date d'effet de l'immatriculation ou de la radiation est le premier jour du trimestre civil suivant le début ou la fin de l'activité professionnelle.
Il résulte des dispositions de l'article L. 642-1 du code de sécurité sociale que toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer le régime, les prestations d'assurance vieillesse et les charges énumérées par ce texte et ce dans les conditions et charges qui ont été précédemment rappelées pour ce qui concerne les personnes relevant de la CIPAV.
Aux termes des articles L. 131-6-2 et L. 642-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction applicable aux cotisations et majorations de retard litigieuses, le second alors applicable, rendus applicables par l'article 3 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié aux cotisations dues au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils, et 3.12 des statuts de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse approuvés sur ce point par l'arrêté du 3 octobre 2006, les cotisations au régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant dernière année ou des revenus forfaitaires, et font l'objet, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, d'une régularisation.
Il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du décret n°81-257 du 18 mars 1981 que des centres de formalités permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu et sur un même document les déclarations auxquelles elles sont tenues par les lois et règlements dans les domaines juridique, administratif, social, fiscal et statistique, afférentes à leur création, à la modification de leur situation et à la cessation de leur activité notamment par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U. R.S. S.A. F.) et des caisses générales de sécurité sociale pour les membres des professions libérales.
Selon l'annexe 1 de ce décret les organismes destinataires des formalités des entreprises chargées de transmettre les informations recueillies par ces centres comprennent notamment les U. R.S. S.A. F. ou caisses générales de sécurité sociale ; les organismes du régime général chargés de la gestion de l'assurance vieillesse ainsi que de la tarification et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles; les organismes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales et les caisses départementales ou pluri départementales de mutualité sociale agricole.
La loi n° 94-126 du 11 février 1994, qui a eu pour objet de donner « une base légale au système de déclaration et de guichet unique institué par la décret n° 81-257 du 18 mars 1981 sur les centres de formalités des entreprises (CFE) » comme le soulignait le rapport du Sénat (Cf. RTD Com. 1994 p.242), a énoncé en son article 2, dans sa version applicable à l'espèce, que l'obligation pour une entreprise de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d'une administration, personne ou organisme visés à l'article 1er est légalement satisfaite par le dépôt d'un seul dossier comportant les diverses déclarations que ladite entreprise est tenue de remettre aux administrations, personnes ou organismes visés à l'article 1er, à savoir es administrations de l'Etat, les établissements publics de l'Etat à caractère administratif, les collectivités locales, leurs groupements et leurs établissements publics à caractère administratif, les personnes privées chargées d'un service public administratif, à l'exception des ordres professionnels, les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou visés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail et les organismes chargés de la tenue d'un registre de publicité légale, y compris les greffes.
Les dispositions du décret n°96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises, pris pour l'application de la loi du 11 février 1994, ont repris en leurs substances les dispositions susmentionnées du décret du 18 mars 1981 en particulier pour la désignation des destinataires des informations recueillies à l'occasion des déclarations faites par les entreprises et membres des professions libérales et celles des organismes compétents pour les fonctions de CFE.
L'intéressé qui fait état d'une faute de la CIPAV à l'occasion du processus d'affiliation, soutient que le tribunal a procédé par un interprétation erronée en considérant que le CFE n'était pas tenu de transmettre la déclaration de début d'activité à l'organisme d'assurance vieillesse. Il précise que notamment en 2004 lors du dépôt de création d'entreprise, il lui a été indiqué que ce dossier serait transmis à la CNAVPL. Il résulte une faute dans le processus d'affiliation. Et ce d'autant que le propre site de la CIPAV explique qu'à la suite d'une inscription au CFE les personnes se trouvent automatiquement affiliées. La Cour des comptes et le Défenseur des droits mettent en évidence des manquements de cet organisme de sécurité sociale. Au cours de son activité, la CIPAV a commis une faute en omettant d'appeler les cotisations alors qu'il respectait son obligation annuelle de déclaration au moyen de la déclaration sociale des indépendants. Il précise qu'il ne saurait lui être reproché de faute tenant au fait qu'il ne se serait pas acquitté spontanément des cotisations dont il ne connaissait cependant ni le montant, ni l'assiette, ni la date d'exigibilité. Le Défenseur des droits met en avant le caractère extrêmement complexe du calcul des cotisations et répond à des modalités évolutives. Il fait valoir qu'il a été privé de la possibilité de cotiser et de régulariser sa situation. Sa situation étant analogue à celle d'un employeur fautif n'ayant pas cotisé, il est fondé à obtenir la réparation de son préjudice résultant de la perte financière. En tout état de cause il a subi une perte de chance.
La CIPAV qui conteste toute faute sa part, fait substantiellement état de l'absence d'information d'un défaut d'activité de l'intéressé alors qu'il avait l'obligation de se déclarer auprès de l'organisme. Elle précise que les cotisations étant portables et non quérables, il incombe exclusivement au cotisant de s'assurer du bon règlement de celle ci, et le fait que l'adhérant ait déclaré son activité auprès du CFE ne l'exonère en rien de son obligation de se déclarer auprès des services de la caisse. Le défaut d'affiliation de l'intéressé résultant de sa carence et ce dernier n'ayant réglé aucune cotisation pendant 25 ans, ce qui a majoré son revenu, celui ci ne peut obtenir de reconstitution de carrière gratuite.
Au cas présent, il convient de relever que le différend entre les parties porte sur les périodes d'activité de l'intéressé en qualité de conseil en informatique entre le mois de juin 1994 et le 1er avril 2002, puis après une période d'interruption, entre le 30 juin 2004 jusqu'au 1er janvier 2017.
Il est établi que l'intéressé a procédé aux démarches auprès du CFE compétent en 1994 quant à la création de son activité, en 2002 quant à la cessation de celle ainsi qu'il résulte des copies de ces formalités produites aux débats et des récépissés délivrés à cette occasion.
Il résulte des dispositions tant législatives que réglementaires issues du décret du 18 mars 1981 et de la loi du 11 février 1994, que l'obligation pour une entreprise de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d'une administration, personne ou organisme visés à l'article 1er est légalement satisfaite par le dépôt d'un seul dossier auprès d'un CFE.
Il s'ensuit qu'en procédant aux formalités de création d'activité auprès du CFE compétent, l'intéressé asatisfait aux obligations déclarations qui lui incombent en particulier celles énoncées à l'article R. 643-1 du code de sécurité sociale dès lors qu'il résulte des textes sus mentionnés que la réalisation des déclarations auprès du CFE compétent a également pour objet de transmettre les informations recueillies à cette occasion auprès des organismes désignés par les annexes de ces textes, au nombre desquelles figurent les organismes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales.
Ainsi la CIPAV ne saurait soutenir que l'intéressé a manqué à son obligation de se déclarer alors qu'il a procédé aux déclarations nécessaires qui lui incombaient et que les allégations de l'URSSAF devant le premier juge telles qu'elles résultent des conclusions de cet organisme de sécurité sociale produites aux débats devant la cour par l'intéressé selon lesquelles il a été procédé aux démarches liées aux fonctions de cet organisme en tant que CFE en particulier de transmission des informations aux organismes de protection sociale concernés, ne sont pas remises en cause par la CIPAV.
Cette même caisse ne saurait également alléguer de son ignorance de la situation de l'intéressé alors même qu'elle devait être destinataire des informations concernant l'intéressé à la suite des déclarations et formalités réalisés auprès de l'URSSAF en sa qualité de CFE, via notamment la CNAVPL, sauf à relever que le dysfonctionnement persistant concernant le fonctionnement de la caisse quant à l'affiliation des personnes concernées invoqué par l'intéressé se trouve corroboré non seulement par les explications du Défenseur des droits et les rapports de la Cour des comptes produits aux débats, mais encore par les propres courriers de cette caisse adressés à l'intéressé en 2019. En effet, il convient de relever que dans le cadre d'échanges entre l'intéressé et la CIPAV portant notamment sur l'affiliation de ce dernier et les cotisations dues en conséquence, le service cotisations de cet organisme de sécurité sociale sous la signature de la même personne, a par une lettre 13 juin 2019 annulé l'affiliation de l'intéressé au vu d'une déclaration faite par l'intéressé dont la nature n'est pas précisée et par une lettre du 14 juin 2019 attester d'une ré affiliation de ce dernier à compter du 1er janvier 2017 sans qu'aucune explication ne puisse justifier ce brusque changement d'un jour à l'autre.
Par ailleurs, il est établi que l'intéressé a adressé les déclarations communes de revenus propres aux professions indépendantes à compter de 1995 et qui étaient destinées à l'ensemble des organismes de sécurité sociale compétents dont la CNAVPL en application des dispositions de l'articles R. 115-5 du code de sécurité sociale et ayant fait l'objet d'une convention en date du 19 décembre 1996 dans le cadre de laquelle la CNAVPL représente notamment la CIPAV, en sorte que cet organisme devait être réceptionnaire des informations de revenus le concernant et en tirer les conséquences nécessaires en terme d'affiliation et d'appel de cotisations. A cet égard, l'intéressé pouvait légitimement croire que les revenus ainsi déclarés étaient adressés à la caisse de retraite compétente dans la mesure où ces documents comprennent l'indication de la CNAVPL.
Il résulte de ce qui précède que la CIPAV, ainsi qu'il a déjà été rappelé qui n'a pas tiré les conséquences des informations dont elle était rendue destinataire en terme d'affiliation et d'appel de cotisations, notamment s'agissant de la régularisation devant être effectuée une fois les revenus définitifs connus, a commis une faute ayant eu pour effet d'affecter les droits de l'intéressé au titre du régime d'assurance vieillesse de base et complémentaire gérée par cette caisse et dont ce dernier dépend du fait de son activité.
Si ce manquement a obéré la connaissance pour l'intéressé quant à sa situation au regard de l'assurance vieillesse et partant sa capacité à prendre ses dispositions pour cotiser et acquérir des droits à retraite, il convient cependant de relever que cette faute ne saurait être considérée comme ayant absolument interdit à l'intéressé de cotiser et partant de voir indemniser son préjudice par l'allocation d'une somme à titre de dommages intérêts équivalente à la perte des droits à retraite.
A cet effet, et contrairement aux allégations de l'intéressé, sa situation n'est pas comparable à celle d'un salarié victime d'un manquement de l'employeur à ses obligations déclaratives et de paiement de cotisations dans la mesure où le règlement de ces cotisations incombe personnellement à l'intéressé. A cet égard, il convient de relever que si la faute de la caisse a pu l'induire en erreur, il n'en reste pas moins que l'intéressé avait cependant la possibilité de vérifier, au cours d'une période litigieuse qui s'étend sur plus de vingt ans marquée par de nombreuses réformes en matière de retraite devant attirer l'attention, que les cotisations versées ne couvraient pas l'assurance vieillesse ce que pouvait relever un examen minutieux des appels de cotisations dont il s'est trouvé réceptionnaire dans la mesure où ceux qu'il produit permettent de mettre en évidence la nature des cotisations et contributions appelées ( CSF, allocations familiales, assurance maladie) lesquels ne comprenaient pas de sommes au titre de l'assurance vieillesse obligatoire et complémentaire.
De surcroit, une indemnisation constituée par l'allocation d'un capital équivalent à la perte des droits à retraite ne saurait être retenue dans la mesure où, comme l'invoque à juste titre la CIPAV, l'intéressé en ne cotisant pas a vu ses revenus majorer tout au long de la période considérée, de sorte qu'une indemnisation par l'allocation d'un capital équivalant aux droits qui auraient dû être acquis par versements de cotisations tout en lui permettant de conserver le fruit de ces revenus majorés serait contraire au principe de réparation intégrale sans perte ni profit.
En revanche, l'intéressé reste bien fondé à se prévaloir d'une perte de chance de ne pas avoir pu prendre ses dispositions pour pouvoir cotiser et constituer des droits complet à retraite au titre de son activité libérale du fait du manquement de la CIPAV.
Compte tenu de la situation actuelle de l'intéressé, de son âge, de son espérance de vie, des revenus déclarés au cours de la période litigieuse et des conséquences telles qu'évaluées par ce dernier au titre de ses droits à retraites qui ne sont pas remis en cause par la CIPAV, il convient de fixer la réparation à ce titre à la somme de 78 000 euros. »
Cour d'appel de Nancy - ch. sociale sect. 01 26 avril 2022 / n° 21/00905
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
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