Comment se défendre lors d’une analyse d’activité par le service médical de la CPAM ?

Vous avez reçu une lettre recommandée avec accusé de réception (RAR) du Service médical de l’Assurance Maladie ayant pour objet : « Analyse d’activité » ?

Que faire à réception d’une telle notification officielle ? Comment réagir efficacement face à cette procédure de contrôle initiée par la CPAM ?

En tant que professionnel de santé, il est essentiel de comprendre le cadre juridique de cette analyse d’activité, vos droits et obligations, ainsi que les meilleurs réflexes à adopter pour vous défendre sereinement.

Dans cet article, Maître Éric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit de la Sécurité Sociale, vous livre ses conseils pratiques pour faire face à ce contrôle dans le respect de vos droits et du secret professionnel.




Cadre juridique de l’analyse d’activité du professionnel de santé

En application de l’article L. 315-1 du Code de la Sécurité sociale, le service du contrôle médical de l’Assurance Maladie peut procéder à l’analyse des professionnels de santé dispensant des soins aux assurés sociaux :

« I.-Le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

II.-Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations.

Lorsque l'activité de prescription d'arrêt de travail apparaît anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez les professionnels de santé appartenant à la même profession, des contrôles systématiques de ces prescriptions sont mis en oeuvre dans des conditions définies par la convention mentionnée à l'article L. 227-1.

Lorsqu'un contrôle effectué par un médecin à la demande de l'employeur, en application de l'article L. 1226-1 du code du travail, conclut à l'absence de justification d'un arrêt de travail ou fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de quarante-huit heures. Le rapport précise si le médecin diligenté par l'employeur a ou non procédé à un examen médical de l'assuré concerné. Au vu de ce rapport, ce service :

1° Soit demande à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Dans un délai fixé par décret à compter de la réception de l'information de suspension des indemnités journalières, l'assuré peut demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du contrôle médical pour examen de sa situation. Le service du contrôle médical se prononce dans un délai fixé par décret ;

2° Soit procède à un nouvel examen de la situation de l'assuré. Ce nouvel examen est de droit si le rapport a fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré.

III.-Le service du contrôle médical procède à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des établissements de santé mentionnés aux articles L. 162-29 et L. 162-29-1 dans lesquels sont admis des bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies en application des dispositions de l'article L. 162-1-7.

III. bis.-Le service du contrôle médical procède auprès des établissements de santé visés à l'article L. 162-22, des pharmaciens et des distributeurs de produits ou prestations, dans le respect des règles déontologiques, aux contrôles nécessaires en matière de délivrance et de facturation de médicaments, produits ou prestations donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou à prise en charge par l'Etat en application des articles L. 251-2 ou L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

IV.-Il procède également à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement mentionné à l'article L. 162-14-2. La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret.

Par l'ensemble des actions mentionnées au présent article, le service du contrôle médical concourt, dans les conditions prévues aux articles L. 183-1, L. 211-2-1 et au 5° de l'article L. 221-1, à la gestion du risque assurée par les caisses d'assurance maladie.

bis.-Le service du contrôle médical s'assure de l'identité du patient à l'occasion des examens individuels qu'il réalise, en demandant à la personne concernée de présenter sa carte nationale d'identité ou tout autre document officiel comportant sa photographie.

V.-Les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission, dans le respect du secret médical.

VI.-Le service du contrôle médical transmet, sauf opposition du bénéficiaire, les informations de nature médicale qu'il détient, notamment le protocole de soins mentionné à l'article L. 324-1, en cas de changement d'organisme ou de régime d'assurance maladie, au nouveau service chargé du contrôle médical dont relève l'assuré.

VII.-Le service du contrôle médical peut, en application de l'article L. 1435-7 du code de la santé publique, procéder au contrôle du recueil des indicateurs de qualité et de sécurité des soins mentionnés aux articles L. 6144-1 et L. 6161-2-2 du même code.

VIII. - Les missions du service du contrôle médical sont exercées par les praticiens conseils mentionnés à l'article L. 224-7 du présent code. Ceux-ci peuvent déléguer, sous leur responsabilité, la réalisation de certains actes et de certaines activités au personnel du contrôle médical disposant de la qualification nécessaire. Lorsque ces délégations concernent des auxiliaires médicaux, lesdites missions sont exercées dans la limite de leurs compétences prévues par le code de la santé publique. Lorsque, dans le cadre de ces délégations, des auxiliaires médicaux rendent des avis qui commandent l'attribution et le service de prestations, elles s'exercent dans le cadre d'un protocole écrit. »

Dans ce cadre et dans le respect des secrets professionnel et médical, le professionnel de santé est informé que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et le Service du Contrôle Médical sont amenés à réaliser un contrôle de son activité professionnel qui portera sur tous les éléments d’ordre réglementaire et médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations prises en charge par l’assurance maladie.

Afin de mener cette analyse, l’article R315-1-1 du Code de la sécurité sociale dispose :

« Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité.

Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients. Il en informe au préalable le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude telle que définie à l'article R. 147-11, d'une fraude en bande organisée telle que définie à l'article R. 147-12 ou de faits relatifs à un trafic de médicaments. Un bilan annuel des cas où le professionnel n'a pas été informé préalablement, incluant les suites données pour chaque cas, est adressé aux conseils nationaux des ordres concernés par chaque caisse nationale. »

Il résulte de ces dispositions que le service du contrôle médical ne peut agir (sauf pour démonter l’existence d’une fraude) qu'après avoir informé le professionnel de santé de l'identité des patients qu'il entend auditionner et examiner[1].

Ainsi, (sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude), le courrier ayant pour « Objet : Analyse d’activité » doit annexer la liste des assurés susceptibles d’être convoqués et examinés.

Le texte couvre de manière large les patients ayant bénéficié de soins sur la période contrôlée et n'impose aucune obligation à la caisse de préciser ceux qui, sur cette liste déterminée, seront effectivement entendus et examinés[2].

Le professionnel de santé peut également être sollicité si un complément d’information s’avère nécessaire.

Le médecin-conseil du service du contrôle médical est légalement habilité à demander, dans le cadre des missions de contrôle qui lui incombent, la communication par le professionnel de santé des informations nécessaires au bien-fondé de la prescription par ce dernier de spécialités pharmaceutiques assortie de la mention non substituable aux assurés[3].

Le service du contrôle médical de l’Assurance Maladie précise également que l’ensemble de l’analyse sera réalisé dans le respect de la charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’Assurance Maladie. A quoi sert la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé ? Réponse ici ! !




Conseils de Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit de la Sécurité Sociale

 Comment se défendre contre un contrôle médical de la CPAM ?

 Premiers réflexes à réception de la lettre

  • Lire attentivement la lettre : notez l’objet exact, la date de réception et la date limite de réponse. Ce courrier est envoyé par le service médical de la CPAM au titre de l’article L. 315-1 du Code de la sécurité sociale (Article L315-1 - Code de la sécurité sociale - Légifrance). Il s’agit d’un contrôle de votre activité (prescriptions, facturations, etc.), pas d’une sanction immédiate.
  • Conserver tous les documents : gardez l’original de la lettre (et de l’accusé de réception). Ne modifiez pas les documents demandés sans en garder copie (tout changement ultérieur serait contestable et interdit par la loi). Envoyez vos réponses en RAR pour conserver une preuve d’envoi.
  • Vérifier les consignes et délais : respectez scrupuleusement les échéances indiquées. Si la lettre demande l’envoi de pièces (prescriptions, factures, etc.), préparez-les en veillant à leur exhaustivité. Si vous avez un doute, contactez rapidement votre CPAM (en privilégiant un mail ou téléphone pour recevoir une confirmation écrite des démarches à suivre).
  • Ne pas paniquer ni ignorer : ce contrôle est encadré juridiquement (article L. 315-1 CSS précise que « la procédure d’analyse de l’activité se déroule dans le respect des droits de la défense » (Article L315-1 - Code de la sécurité sociale - Légifrance)). Restez professionnel et méthodique.

Attitude à adopter vis-à-vis de l’Assurance Maladie

  • Rester coopératif et courtois : répondez aux demandes en temps utile et apportez les informations demandées avec calme. Bien que l’Assurance Maladie cherche des irrégularités, il ne s’agit pas d’une procédure pénale mais d’un audit médico-administratif (article L. 315-1 l’autorise).
  • Faire preuve de transparence : expliquez clairement votre pratique si nécessaire. Par exemple, si certaines prescriptions ou actes sont atypiques, joignez une courte explication. Ceci montre votre bonne foi.
  • Connaître vos droits : vous avez le droit d’être informé des conclusions intermédiaires du contrôle et de demander à être entendu. En fin de procédure, si des « griefs » sont retenus, la CPAM doit vous notifier par LRAR et vous accorder un délai d’un mois pour demander à être entendu par le contrôle médical (Chapitre 5 : Contrôle médical (Articles R315-1 à R315-17) - Légifrance).
  • Ne pas se replier sur soi : n’adoptez pas une attitude fermée ou agressive. Évitez les conflits inutiles. Une communication claire, factuelle et respectueuse est préférable.

Confidentialité et transmission des documents

  • Respecter le secret médical : seuls les praticiens-conseils du contrôle et leur équipe peuvent accéder aux données de santé strictement nécessaires au contrôle, « dans le respect du secret médical » (Article L315-1 - Code de la sécurité sociale - Légifrance). Vous êtes tenu au secret professionnel, et eux aussi. Transmettez uniquement les informations relatives à l’activité demandée.
  • Anonymiser si possible : lorsque vous envoyez des dossiers médicaux ou des factures, supprimez les données superflues (par exemple, dossiers de consultations qui ne concernent pas la période ou les actes réclamés). L’assurance maladie doit pouvoir vérifier vos prescriptions sans fouiller la vie privée de vos patients.
  • Utiliser des moyens sécurisés : envoyez vos documents par courrier recommandé ou support chiffré sécurisé (si vous disposez d’une messagerie professionnelle sécurisée). Ne communiquez pas ces informations par voie électronique non protégée. Gardez une copie de chaque document transmis.
  • Informer sans alerter inutilement : le contrôle pourra interroger des patients pour vérifier vos prescriptions. Sauf en cas de fraude grave présumée, la loi exige que vous soyez informé à l’avance de l’identité de ces patients (Chapitre 5 : Contrôle médical (Articles R315-1 à R315-17) - Légifrance). N’essayez pas de contacter ou d’influencer les patients listés : cela pourrait être interprété comme une obstruction.

Se faire accompagner pour défendre ses droits

  • Droit à la défense : la procédure doit respecter vos droits de la défense (Article L315-1 - Code de la sécurité sociale - Légifrance). Vous pouvez donc vous faire assister d’un conseil.
  • Contacter votre Ordre professionnel : pour les médecins, par exemple, le Conseil de l’Ordre a un service d’aide aux confrères en difficulté. Les pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, etc., ont aussi des conseils de l’Ordre ou syndicats professionnels. Ils peuvent vous renseigner sur la procédure et éventuellement vous accompagner.
  • Consulter un avocat spécialisé : un avocat en droit de la sécurité sociale peut vous conseiller sur la stratégie à adopter (réponse écrite, rencontre avec le praticien-conseil, etc.) et vérifier que la procédure respecte les règles (délais, notification des griefs, etc.).
  • Préparer votre défense : réunissez d’ores et déjà les justificatifs de votre bonne foi (copies de protocoles de soins, fiches techniques, notes internes, etc.). Un avocat pourra vous aider à formuler une réponse écrite si nécessaire.

Erreurs à éviter absolument pendant l’analyse de votre activité

  • Ignorer ou retarder la réponse : ne laissez pas passer un délai sans rien faire. Le défaut de réponse peut être interprété défavorablement.
  • Modifier rétrospectivement les documents : ne retouchez pas les dossiers ou factures antérieures à la demande (une telle altération est illégale et aggraverait la situation). Présentez les archives telles qu’elles existaient à l’époque.
  • Divulguer des informations non demandées : n’envoyez pas tous vos dossiers, seulement ceux expressément réclamés. Cela limiterait les risques et respecterait le principe de proportionnalité.
  • Tenter d’influencer les patients : ne parlez pas du contrôle aux patients concernés ni ne leur demandez de mentir ou de modifier leurs déclarations. Cela pourrait être considéré comme une entrave à la procédure.
  • Se mettre en contradiction : veillez à la cohérence entre vos explications orales et écrites. Toute contradiction pourrait miner votre crédibilité.

Rappel de vos droits lors de l’analyse de votre activité

Ne restez pas seul face à une analyse de votre activité

Faire face à une analyse d’activité par le service médical de l’Assurance Maladie est une démarche sérieuse qui nécessite vigilance, méthode et maîtrise de vos droits.

Ne restez pas seul face à ce contrôle : il est essentiel d’être accompagné pour défendre efficacement votre activité et garantir le respect de vos droits.

Maître Éric ROCHEBLAVE, Avocat spécialiste en Droit de la Sécurité Sociale, vous propose des consultations par téléphone pour vous conseiller et vous assister à chaque étape.

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[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 14 février 2013, 12-13.743

[2] Tribunal judiciaire de Nantes - CTX PROTECTION SOCIALE 17 janvier 2025 / n° 21/00640

[3] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 mai 2019, 18-10.165




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D'UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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