Comment vous défendre contre l’URSSAF vous reprochant d’avoir recours à un « faux » travailleur indépendant ?

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travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1 du code de sécurité sociale, les personnes physiques mentionnées à l'article L. 8221-6 I du code du travail, dans sa rédaction applicable, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non salariat de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique[1].

Si le lien de subordination est l'élément décisif et s'il appartient au juge de le détecter à la lumière des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en œuvre par l'employeur, la seule intégration à un service organisé est impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination s'il n'apparaît pas que le travailleur indépendant est soumis par ailleurs au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur prétendu.




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La Cour d’appel de Rennes a jugé[2] :

« En l'espèce, il est établi au regard de l'extrait K-bis de la société [5] dont l'activité est 'organisation d'événements, sonorisation, éclairage, animation, location de matériel' et des appels de cotisations versés aux débats par la société que M. [H] [R] était affilié au RSI depuis l'année 2009 ; qu'à compter du 11 juillet 2011, la société à associé unique est devenue une société à plusieurs associés dont il est devenu co-gérant.

Sur la période contrôlée, M. [V] [U] était auto-entrepreneur, régulièrement inscrit en qualité de téléconseiller/animateur et à ce titre affilié au RSI.

Il appartient donc à l'URSSAF de renverser la présomption de non-salariat attachée au statut de travailleur indépendant de ces intervenants sur l'ensemble de la période contrôlée et de démontrer qu'ils ont exercé leur activité dans des conditions qui les plaçaient de fait dans une relation de subordination juridique permanente.

En l'espèce, dans la lettre d'observations, l'inspecteur a retenu pour les deux intervenants les éléments communs suivants :

- prestations à des heures, dates et lieux fixés par la société (soirées aux heures d'ouverture des discothèques) ;

- utilisation du matériel de la discothèque ;

- pas de clientèle propre,

- anciens salariés de la société.

Plus particulièrement s'agissant de M. [H] [R], pour retenir l'existence d'un lien de subordination sur la période du janvier 2010 à avril 2011 et de juillet 2011 à juin 2014, l'URSSAF se prévaut des éléments suivants :

- rémunération selon un tarif horaire ;

- travail sous les directives de la société aux conditions suivantes :

* arrivée sur le lieu d'animation une heure avant le début de la programmation,

* obligation de suivre la feuille du programme soirée présente dans la cabine DJ de l'établissement,

* avoir une tenue correcte,

* ne faire aucune publicité en son nom,

* utiliser exclusivement le nom de la SARL [4] dans le cadre de la communication avant/pendant/après la prestation,

* participation de M. [R], comme les salariés, aux réunions préparatoires des soirées organisées.

S'agissant de M. [V] [U], l'URSSAF avance les éléments suivants :

- sa rémunération est forfaitaire ;

- il ne supporte aucun risque économique, la société lui apportant l'essentiel de son chiffre d'affaires déclaré.

Dans la lettre d'observations, l'inspecteur indique en outre ceci :

'Il ressort de nos investigations un recours au statut de faux travailleur indépendant en ce qui concerne les prestations effectuées par MM. [R] et [U]. Ceux-ci doivent être considérés comme vos salariés.

Cette fiction juridique permet au donneur d'ordre d'échapper aux obligations liées au statut d'employeur (réglementation du travail en général), de bénéficier d'une souplesse maximum dans la gestion du personnel (embauche, licenciement, horaires, congés...), d'acquérir des facilités de trésorerie en échappant au versement des charges sociales.

En effet, le faux travailleur indépendant doit s'entendre comme une relation entre un employeur et un salarié qui est dissimulée sous l'apparence d'une fiction juridique de sous-traitance.

L'employeur se présente comme un donneur d'ordre qui a recours au service d'un 'travailleur indépendant'.

En conclusion, le recours à la pratique des faux statuts indépendants permet à une entreprise d'utiliser de la main-d'oeuvre apparemment non salariée pour ne pas assumer les conséquences attachées au statut salarial.

Ce recours constitue une concurrence déloyale à l'égard des entreprises respectant la réglementation.[...]'.

L'inspecteur conclut en indiquant que les conditions de travail de ces deux prestataires démontrent qu'ils relèvent du salariat. »

 

Cependant, pour la Cour d’appel de Rennes, les développements de l'URSSAF sont inopérants s'agissant de démontrer l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société[3].

 

La Cour d’appel de Rennes a jugé[4] :

« Les constatations de l'inspecteur ne permettent pas de retenir que MM.[R] et [U] étaient soumis à des horaires de travail précisément fixés et contrôlés par la société et dont elle aurait pu tirer des sanctions en cas d'inexécution, au-delà du refus de payer une prestation qui lui aurait été indûment facturée, ce qui n'excède pas les pouvoirs qu'elle tient d'une relation contractuelle avec un prestataire de services.

Les prestations consistant en l'animation de soirées à thèmes, par définition aux heures d'ouverture de la discothèque, il est singulier de tirer argument, comme le fait l'URSSAF, de ce que les heures et lieux de travail étaient fixés unilatéralement par la société.

Une prestation de travail effectuée au titre d'une activité indépendante n'exclut pas qu'un certain nombre d'informations soient portées à la connaissance du prestataire pour le bon accomplissement de la mission et ce dans le cadre de réunions préalables.

Les constatations de l'inspecteur ne permettent pas davantage de retenir qu'interdiction aurait été faite aux intéressés de développer une clientèle propre ou qu'ils exécutaient leurs prestations sans aucune indépendance dans le cadre qui leur était fixé.

Le fait que les honoraires soient versés sous la forme d'un forfait pour M. [U] ou selon un taux horaire en fonction du type d'animation pour M. [R] ne constitue pas un indice de salariat, à l'instar de la facturation d''heures supplémentaires' qui correspondent en définitive à des prestations supplémentaires.

La dépendance économique alléguée au regard d'un chiffre d'affaires réalisé pour l'essentiel avec la société, à le supposer établi, n'est pas non plus un indice suffisant de salariat comme l'utilisation du matériel de sonorisation propre de la société donneur d'ordre.

Il importe peu enfin que les intervenants aient été d'anciens salariés d'une filiale de la société [4] ou le soient redevenus postérieurement au contrôle, seules étant à prendre en considération les conditions effectives de travail au sein de la société contrôlée au moment du contrôle.

Il en ressort que l'URSSAF échoue à démontrer, s'agissant de MM. [R] et [U], l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société laquelle disposait du pouvoir de leur donner des ordres et des directives (qui ne sont pas précisés), d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements.

La société est donc bien fondée à solliciter l'annulation de l'entier redressement. »

Il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée sur ce point et le redressement annulé, y compris en ce qu'il a emporté annulation des réductions générales de cotisations, sans qu'il y ait lieu de rechercher les conséquences qu'il conviendrait de tirer de ce que l'inspecteur a procédé à une reconstitution de l'assiette sur une base brute (au sens de 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.194) selon une méthode qu'il n'a pas explicitée.

L'infirmation du jugement emporte de plein droit obligation pour l'URSSAF de rembourser les causes du jugement dont la société s'est acquittée ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution.

Les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution[5].

[1] Cass. 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944

[2] Cour d'appel de Rennes - 9ème Ch Sécurité Sociale 18 septembre 2024 / n° 21/02730

[3] Cass. Soc., 13 avril 2022, n° 20-14.870

[4] Cour d'appel de Rennes - 9ème Ch Sécurité Sociale 18 septembre 2024 / n° 21/02730

[5] Ass. plén., 3 mars 1995, pourvoi n° 91-19.497

Cass. 3e Civ., 12 janvier 2010, pourvoi n° 08-18.624




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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