Une entreprise de travaux publics de Béziers très lourdement condamnée par la Cour d’appel de Montpellier

 

 

Succès judiciaire de Maître Eric Rocheblave, Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale, à faire condamner un employeur par la Cour d’appel de Montpellier pour manquement à l’obligation de sécurité, heures supplémentaires impayées, travail dissimulé, discrimination syndicale, entrave aux fonctions syndicales, harcèlement moral, modification irrégulière du contrat de travail, travail de nuit, inaptitude du salarié à l’origine de manquements de l’employeur… etc.

La Cour d’appel de Montpellier a condamné une entreprise de travaux publics à Béziers à payer à un salarié les sommes suivantes :

13.110,23 euros au titre des heures supplémentaires impayées

1.311,02 euros au titre des congés payés afférents

961,33 euros au titre des indemnités journalières Pro Btp Prévoyance

13.200 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé

1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de sécurité

500 euros à titre de dommages et intérêts pour modification irrégulière du contrat de travail

725,29 euros à titre de rappel de salaire pour majoration des heures de travail nuit,

72,52 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,

16.700 euros au titre de l’indemnisation de la perte d’emploi,

4.400 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

440 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

 Cour d’appel de Montpellier 20 décembre 2023 n° RG 20/06012

 




 

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit

les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’« en l’espèce, le litige portant sur les heures  supplémentaires se présente dans les mêmes termes et est étayé par les mêmes pièces qu’en première instance.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L.3121-1 du code du travail, analysé les pièces du dossier versés par le salarié (bulletins de salaire ; note de service pour l’été 2013 demandant au personnel de commencer une heure plus tôt, soit à 6h00 ; le règlement intérieur stipulant que les horaires de travail, y compris pour le personnel de chantier, sont de 8h00 à 12h00, de 13h00 à 17h00 à l’exception du vendredi où la fin de la journée de travail est fixée à 16h00 ; la lettre du 25 novembre 2015 de l’inspecteur du travail rappelant à l’employeur que les trajets imposés aux salariés constituent du temps de travail effectif et doivent être rémunérés ; décomptes et tableaux récapitulatifs des heures de travail accomplies au cours de la période non prescrite, mentionnant les heures d’arrivée et de départ et prenant en compte les périodes de congés et d’arrêt de travail) et relevé que les jours de repos équivalent avaient été déduits du montant sollicité, le premier juge a à raison déduit de celles-ci que ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

Il a ensuite justement analysé les plannings produits par celui-ci, lesquels ne précisent pas les heures d’arrivée et de départ et n’incluent pas les temps de trajet imposés par l’employeur pour le personnel de chantier et a jugé à raison que si ces documents avaient pu être remplis et signés  par le salarié, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir intégré lesdits temps de trajet que l’employeur déduisait et se refusait à payer.

Il y aura lieu dès lors de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les heures supplémentaires et l’indemnité compensatrice de congés payés afférents. »

 

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d’accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.

L’article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’« en l’espèce, le premier juge a correctement estimé qu’au regard du volume important d’heures supplémentaires non rémunérées et non mentionnées dans les bulletins de salaire, du refus de l’employeur de payer les temps de trajet imposés alors qu’ils constituent du temps de travail effectif au sens de l’article L.3121-1 précité, l’employeur était redevable d’une indemnité forfaitaire de travail dissimulé au bénéfice du salarié. »

 

 

Sur le rappel de salaire au titre des heures de travail de nuit

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « il est constant qu’à la suite du retrait de son permis de conduire le 22 septembre 2014, le salarié a été amené à travailler de nuit en mars et avril 2015 et qu’au vu des bulletins de salaire correspondants, il a perçu une majoration des heures de nuit de 50 %.

Il s’agissait d’un travail exceptionnel de nuit.

Or, l’article 4.2.10 de la convention collective stipule notamment que « Si, par suite de circonstances exceptionnelles, un ETAM est appelé à travailler, soit de nuit (entre 20 heures et 6 heures), soit un dimanche, soit un jour férié, les heures ainsi effectuées sont majorées de 100 %.

La majoration pour travail exceptionnel, de nuit, du dimanche ou d'un jour férié ne se cumule pas avec les majorations pour heures supplémentaires.

Lorsqu'un même travail ouvre droit à plusieurs de ces majorations, seule est retenue la majoration correspondant au taux le plus élevé.

Il s’ensuit que l’employeur est redevable d’un rappel de salaire pour majoration des heures de nuit qui s’établit à la somme de 725,29 euros outre la somme de 72,52 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.»

 

 

Sur le rappel d’indemnités journalières de prévoyance

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’« il est constant que le salarié a été placé en arrêt de travail du 29 avril au 1er juin 2015.

Celui-ci prouve par la production des lettres des 15 septembre 2015 et 3 janvier 2018 que la caisse de prévoyance Pro Btp a versé le 10 septembre 2015 à l’employeur la somme de 961,33 euros au titre des indemnités journalières pour la période du 11 mai au 1er juin 2015 à charge pour l’employeur de les lui reverser.

Celui-ci n’établissant pas avoir reversé cette somme au salarié alors que la charge de la preuve de cette obligation lui incombe, il y aura lieu de confirmer le jugement qui a condamné l’employeur à rembourser ce montant au salarié. »

 

 

Sur la modification irrégulière du contrat de travail

La modification des conditions de travail par l'employeur relève de son pouvoir de direction, de son pouvoir unilatéral et est opposable au salarié. En revanche, la modification d'un élément essentiel du contrat de travail échappe au pouvoir unilatéral de l'employeur et ne peut intervenir que d'un commun accord.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, le salarié sollicite la nullité de l’avenant n°4, signé par ses soins le 24 septembre 2014, lui confiant le poste de chef d’équipe alors qu’il avait été promu chef de chantier. Il fait valoir l’absence de notification par écrit de la proposition de modification, le fait que la rétrogradation serait constitutive d’une sanction disciplinaire entraînant une baisse de salaire et le fait qu’il n’est pas établi que son acceptation aurait été claire et non équivoque.

L’employeur rétorque que l’avenant lui a été proposé afin de sauvegarder son emploi alors qu’il n’était plus en capacité d’exercer ses fonctions de chef de chantier impliquant la conduite de véhicules et qu’il aurait pu être licencié du fait de la conduite en état alcoolique pendant un temps de travail, qu’il ne s’agissait donc pas d’une sanction disciplinaire ni d’une rétrogradation et qu’il a signé sans qu’aucune pression n’ait été faite sur sa personne.

Il résulte de l’attestation de M. F…, conducteur de travaux, produite par l’employeur, que le jour du contrôle positif d’alcoolémie le 22 septembre 2014, la direction a convié verbalement le salarié à un entretien qui s’est tenu le soir même en présence du témoin, dans le calme, qu’elle a décidé de ne pas le licencier, le salarié ayant évoqué ses difficultés familiales liées à son intempérance, et qu’il lui a été proposé d’être affecté au poste de chef d’équipe ; ce qu’il a accepté sans aucune pression. Il est constant que l’avenant a été signé le 24 septembre 2014.

Toutefois, le fait d’avoir proposé au salarié, le 22 septembre à la sortie de sa garde-à-vue pour conduite en état alcoolique et après retrait immédiat de son permis de conduire, de signer un avenant opérant une rétrogradation de ses fonctions avec baisse de salaire constitue un contexte de pressions ; ce, même si l’intention de l’employeur était de conserver l’emploi du salarié. Il s’agit bien d’une modification du contrat de travail qui aurait dû, en application de l’article 2.2 de la convention collective, « être notifiée par écrit » et suivie « d'un délai de réflexion de 1 mois ».

Or, le salarié a donné son accord le soir même de l’entretien informel et n’a bénéficié que d’une seule journée entière pour réfléchir à cette proposition avant de signer l’avenant.

Il s’ensuit que le consentement du salarié à l’avenant numéro 4 est vicié et doit être annulé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens présentés au soutien de la demande de nullité.

Le préjudice du salarié résultant du consentement vicié sera réparé intégralement par la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. »

 

 

Sur l’entrave aux fonctions syndicales

L’article L. 2141-4 alinéa 1er  du code du travail dispose que « L'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail ».

L’article L. 2317-1 du même code punit pénalement « Le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité social et économique, d'un comité social et économique d'établissement ou d'un comité social et économique central, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2314-1 à L. 2314-9 » ainsi que « Le fait d'apporter une entrave à leur fonctionnement régulier ».

Enfin, l’article L.2315-8 alinéa 1er prévoit que « Les délégués du personnel sont reçus collectivement par l'employeur au moins une fois par mois. En cas d'urgence, ils sont reçus sur leur demande ».

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, il ressort de la décision de l’inspecteur du travail du 17 février 2015 - qui a refusé d’autoriser le licenciement du salarié pour motif  économique – que le registre du personnel remis par l’employeur au cours de l’enquête administrative ne mentionnait que quelques réunions avec le délégué du personnel du collègue Etam-Cadre (le 23 novembre 2012, les 19 mars, 2 avril et 5 juillet 2013, le 17 décembre 2015 et le 8 janvier 2015) alors que l’employeur avait l’obligation d’organiser ce type de réunion chaque mois en vertu des dispositions légales précitées. Ce non-respect des règles constitue une entrave aux fonctions syndicales du salarié ; ce, même si aucune procédure pénale n’a été diligentée. »

 

 

Sur la discrimination liée aux fonctions syndicales du salarié

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de ses activités syndicales.

L’article L. 1134-1 prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, le salarié fait valoir :

- le refus d’autorisation administrative de licenciement pour motif économique du 17 février 2015 au motif d’un lien entre la demande d’autorisation de licencier et son mandat syndical,

- les propos tenus par la direction au cours de la réunion du 30 janvier 2017, en son absence, constatés par constat d’huissier de justice à partir d’un enregistrement audio.

La décision administrative de refus d’accorder l’autorisation à l’employeur de licencier le salarié pour motif économique, du 17 février 2015, devenue définitive, précise notamment que :

- l’employeur a ajouté aux critères légaux de licenciement (charges de famille, ancienneté, caractéristiques sociales des situations personnelles des salariés, qualités professionnelles appréciées par catégorie) « un critère supplémentaire à savoir la catégorie d’emploi de chaque salarié en attribuant 1 point à la catégorie canalisateur et 4 points à la catégorie chef d’équipe ou chef de chantier au motif que le nombre d’encadrants de chantier (était) trop élevé dans l’entreprise » et que ce de fait, le salarié s’est vu attribuer le nombre de points le plus important sur ce seul critère,

- l’employeur a attribué au salarié 3 points au titre du critère des qualités professionnelles sans avoir présenté en réunion des délégués du personnel les techniques et modes d’évaluation des qualités professionnelles avant leur mise en œuvre, qu’il n’a pas été en mesure de présenter lors de l’enquête administrative « les techniques et méthodes d’évaluation des qualités professionnelles mises en œuvre », « qu’il en ressort que l’évaluation reposait sur des éléments non vérifiables et subjectifs », que l’enquête a montré que les critères d’évaluation des salariés étaient « matériellement invérifiables » et étaient « subjectifs puisque les notes de qualité professionnelle ne reposaient sur aucun écrit ou indicateur », qu’après analyse des difficultés relatives à trois chantiers (Cers, Juvignac et Poussan), il en ressort « qu’il n’est pas démontré la responsabilité pleine et entière de Monsieur C. dans (leur) mauvaise exécution (…) entraînant un cout financier totale pour l’entreprise de 48 000 € »,

- « il apparaît une différence de traitement dans l’attribution des points pour le critère relatif à la qualité du travail du délégué du personnel reposant sur des éléments non matériellement vérifiables », et en a déduit que le lien entre la demande d’autorisation de licenciement et le mandat de l’intéressé était établi.

Certes, ainsi que le relève l’employeur, l’enregistrement des propos tenus lors de la réunion du 30 janvier 2017 réalisé à l’insu de ses membres, constitue un moyen de preuve déloyal, même s’il a fait l’objet par la suite d’une retranscription par huissier de justice dans le cadre d’un constat et doit être écarté des débats.

Mais, la décision de l’inspecteur du travail constitue un élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.

L’employeur ne produit aucune pièce tendant à prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que la discrimination liée aux fonctions syndicales du salarié est caractérisée.

Le préjudice en résultant pour le salarié sera réparé par la somme de 500 euros. »

Sur le manquement à l’obligation de prévention de la santé et de la sécurité au travail

L’article L. 4121-1 du Code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, le salarié se réfère à une lettre du 14 mai 2015 de l’inspection du travail, à son propre écrit du 28 mars 2015 dénonçant notamment son affectation à un poste de nuit sans possibilité de conduire un véhicule du fait de son retrait du permis de conduire et le refus de l’employeur de le faire accompagner, aux différents certificats médicaux de son médecin psychiatre, à l’attestation sur l’honneur de sa compagne valant déclaration d’accident du travail du 29 avril 2015 et au dossier médical de la médecine du travail, en particulier à l’avis d’inaptitude du 2 juin 2015.

La lettre de l’inspecteur du travail porte d’une part, sur le fait que l’employeur a demandé au salarié, à l’issue de son arrêt de travail le 24 mars 2015 après déclaration d’aptitude, d’intégrer une équipe

de nuit alors qu’il avait toujours travaillé de jour, et ce, sans avoir interrogé le médecin du travail et d’autre part, sur le fait que l’employeur ne s’est pas préoccupé de l’organisation matérielle permettant au salarié désormais sans permis de conduire, de se rendre sur les chantiers et de rejoindre son domicile.

Certes, l’employeur établit que le travail de nuit n’était qu’exceptionnel, que les dispositions conventionnelles ne prévoient pas dans cette hypothèse une organisation particulière destinée à acheminer en sécurité le personnel sur les chantiers, dispositions imposées s’agissant des salariés travaillant habituellement de nuit (articles 4.2.10 et 4.2.11 de la convention collective) et que, par suite, le suivi médical renforcé n’était obligatoire que pour les travailleurs de nuit.

Mais il ne justifie pas avoir pris les mesures adaptées destinées à préserver la santé et la sécurité au travail du salarié, alors même que l’arrêt de travail de celui-ci venait de s’achever.

Par ailleurs, alors que l’employeur produit des attestations de salariés dont il résulte que la réunion du 29 avril 2015 s’est déroulée dans le calme et sans heurts, il est constant que le salarié a été placé en arrêt de travail le soir-même suivant ladite réunion.

Après une plainte de l’employeur devant le Conseil départemental de l’ordre des médecins contre le médecin psychiatre - du fait du contenu de certificats médicaux affirmant en substance que l’état de santé de son patient était en lien avec des difficultés professionnelles du fait du comportement de l’employeur -, ce professionnel de santé a déclaré « nul et non avenu » les certificats et le courrier envoyé au médecin du travail, précisant ne pouvoir certifier le lien de causalité entre l’état clinique constaté et l’activité professionnelle du patient.

Toutefois, ce médecin psychiatre consulté au décours de la réunion du 29 avril 2015, a constaté que son patient était « très angoissé et extrêmement fatigué avec une grande fragilité de l’humeur car il déclarait avoir été très malmené pendant cette réunion ».

Surtout, immédiatement après la réunion, le salarié a été de nouveau placé en arrêt de travail, à l’issue duquel il a été déclaré inapte en un seul examen, le médecin du travail ayant précisé dans

le dossier médical : « inapte en urgence ».

L’ensemble de ces éléments établit le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il y a lieu de le condamner à payer au salarié la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef. »

 

 

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1 du même code prévoit que le salarié établit - ou présente à compter du 10 août 2016 - des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, le salarié fait valoir que l’employeur l’a dénigré sur le plan professionnel, lui a fait signer sous la pression l’avenant n°4 du 24 septembre 2014 instaurant une modification du contrat de travail du fait de la rétrogradation, a entravé ses fonctions de délégué du personnel, l’a discriminé du fait de son mandat syndical, qu’il a accompli des heures supplémentaires non rémunérées, ses trajets imposés n’étant pas pris en compte, n’a pas perçu les indemnités journalières de la Btp-Prévoyance alors que l’employeur les avait reçues, n’a pas perçu l’intégralité de la majoration conventionnelle pour les heures de nuit, celles-ci établissant par ailleurs la modification de ses heures de travail et que la dégradation de son état de santé est en lien avec le contexte professionnel.

Au vu des développements précédents, les faits présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, sont autant d'agissements répétés qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il résulte de ce qui précède que l’employeur ne produit aucun élément objectif étrangers à tout harcèlement justifiant ses décisions, de sorte que le harcèlement moral doit être retenu.

Le préjudice résultant du harcèlement moral sera réparé par la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. »

 

 

Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « au vu de la chronologie des faits, l’inaptitude du salarié trouve son origine dans les manquements de l’employeur analysés ci-dessus.

Son état de santé psychique s’est en effet dégradé à partir du moment où il a signé l’avenant numéro 4 sans avoir pu donner son consentement éclairé et non équivoque, et les nouvelles conditions dans lesquelles il a exercé ses fonctions ont contribué à l’aggravation de son état de santé jusqu’à un dernier arrêt de travail prescrit à l’issue de la réunion du 29 avril 2015, suivi de la déclaration d’inaptitude. 

S’il résulte de ce qui précède que l’entrave aux fonctions de délégué du personnel est caractérisée du fait de l’absence de la tenue des réunions mensuelles obligatoires, aucune pièce du dossier ne permet d’établir qu’elle aurait été à l’origine de l’inaptitude du salarié.

En revanche, la rétrogradation du salarié dans les circonstances évoquées ci-dessus et le manquement à l’obligation de sécurité sont caractérisés et sont à l’origine de l’inaptitude, de sorte que le salarié est en droit de solliciter l’indemnisation du préjudice au titre de ces manquements et au titre de la perte d’emploi. En outre, le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité le rend responsable de la non-exécution du préavis, de sorte que le salarié peut demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis.

Au vu de l’âge du salarié (né le 25/06/1982), de son ancienneté dans l’entreprise au jour de la rupture du contrat de travail (plus de 13 ans), de sa rémunération mensuelle brut (2 780,32 euros), du nombre de salariés habituellement employés dans l’entreprise (au moins 11 salariés), de l’absence de justificatifs relatifs à sa situation actuelle et des limites des demandes, les sommes suivantes lui sont dues :

- 16 700 euros au titre de l’indemnisation de la perte d’emploi,

- 4 400 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

- 440 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.»

 

 

Sur les demandes accessoires

La Cour d’appel de Montpellier a jugé que « le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur l’obligation pour l’employeur de délivrer des bulletins de salaire et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés.

Les créances produiront intérêts au taux légal, s’agissant des créances indemnitaires, à compter du présent arrêt et s’agissant des créances salariales à compter de la date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Il est équitable de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel.

L’employeur supportera la charge des dépens. »

 

 

Cour d’appel de Montpellier 20 décembre 2023 n° RG 20/06012

 




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Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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