La CGSS Réunion tente de recouvrer des cotisations prescrites

La prescription peut affecter soit la créance de cotisations, soit l’action en recouvrement desdites cotisations.

Selon l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, « les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit l’année au titre de laquelle elles sont dues ».

Selon l’article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale, « le délai de prescription de l’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l’action publique, est de trois ans à compter de l’expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3 »




Le délai de prescription de l’action en recouvrement des cotisations débute à l’expiration du délai d’un mois imparti pour régulariser la situation à compter de la présentation du pli[1].

Il convient de rappeler en effet que, la mise en demeure préalable délivrée par un organisme de sécurité sociale n’étant pas de nature contentieuse, elle échappe aux dispositions des articles 640 à 692 du code de procédure civile de sorte qu’il importe peu qu’elle n’ait pas été réclamée par le destinataire ou que l’avis de réception ait été signé par une autre personne que le débiteur[2].

Exemples :

Mise en demeure du 15 février 2020 présentée le 22 février 2020

Le délai de prescription a débuté à l’expiration du délai d’un mois imparti pour régulariser la situation à compter de la présentation du pli, soit le 22 mars 2020

Or, la contrainte litigieuse a été signifiée le 28 avril 2023, et la caisse ne se prévaut d’aucune cause de suspension ou d’interruption du cours de la prescription.

Le Tribunal Judiciaire de la Réunion a jugé que « par suite, il doit être retenu que l’action civile en recouvrement de l’ensemble des cotisations et majorations réclamées par la contrainte frappée d’opposition était prescrite à la date de la signification de ladite contrainte. Cette contrainte doit être en conséquence annulée »[3].

***

Une mise en demeure décernée pour le recouvrement des régularisations 2016 à 2018 a été réceptionnée le 18 octobre 2019 et impartissait au débiteur un délai d’un mois à compter de la réception pour régulariser la situation.

L’action civile en recouvrement des cotisations et majorations de retard visées par la mise en demeure précitée expirait donc en principe le 18 novembre 2022 à vingt-quatre heures.

En ce qui concerne les cotisations du 4ème trimestre 2019, la mise en demeure a été décernée le 15 février 2020 et a été présentée le 23 suivant (pli avisé et non réclamé). Cette mise en demeure impartissait également au débiteur un délai d’un mois à compter de la réception pour régulariser la situation.

L’action civile en recouvrement des cotisations et majorations de retard visées par la mise en demeure précitée expirait donc en principe le 23 mars 2023.

Le Tribunal Judiciaire de la Réunion a jugé que « La caisse entend cependant se prévaloir de trois causes de suspension du cours de la prescription, la première tirée des ordonnances n° 2020-306 et 2020-312 (selon ses dires, le cours de toute prescription a été suspendu entre le 12 mars et le 30 juin 2020, soit durant 111 jours), la seconde, de la mise en œuvre d’un plan de paiement du 7 juillet 2022 incluant les périodes visées par la contrainte litigieuse, et la dernière tirée des articles 9 et 19 de la loi de finances pour 2021.

Elle en déduit que le délai de prescription des cotisations dues au titre des régularisations 2016 à 2018 expirait le 1er juillet 2025, et celui des cotisations dues au titre du 4ème trimestre 2019, le 12 juillet 2023.

Le tribunal relève d’abord que la caisse invoque les deux ordonnances n° 2020-306 et 2020-312 sans préciser les articles qu’elle entend invoquer précisément.

En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la caisse, le délai de prescription n’a pas été suspendu par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

En effet, selon l’article 1er de cette ordonnance, modifié par l’ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020, la prorogation de délais ne s’applique qu’aux délais qui expirent entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus.

Tel n’est pas le cas du délai de prescription de l’action civile en recouvrement des cotisations et majorations litigieuses – ce délai expirant en l’espèce le 18 novembre 2022 et le 23 mars 2023.

Par ailleurs, il n’apparait pas que l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux ait prévu une suspension du délai de prescription de l’action civile en recouvrement des organismes de sécurité sociale.

Dans ces conditions, la première cause de suspension alléguée ne trouve pas à s’appliquer.

S’agissant ensuite des délais de paiement, il ressort des débats que, par courrier du 7 juillet 2022, la caisse a proposé au cotisant, et de sa propre initiative, un échéancier de paiement concernant les périodes visées par la contrainte litigieuse « dans le cadre des mesures de soutien aux entreprises impactées par la crise sanitaire du COVID-19 ». Aucune demande de délais de paiement n’a donc été formée par le cotisant. Par ailleurs, il est constant que l’échéancier proposé n’a jamais reçu de commencement d’exécution en raison du montant trop élevé des mensualités (1.249,62 euros).

Par suite, le tribunal considère que l’échéancier invoqué ne peut valoir reconnaissance non équivoque de sa dette par le cotisant au sens de l’article 2240 du code civil.

C’est donc à tort que la caisse se prévaut de la mise en œuvre d’un échéancier comme cause d’interruption de la prescription.

Enfin, la caisse affirme que, par application des articles 9 et 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, la date du 30 novembre a été repoussée au 31 juillet 2022 pour les dettes constatées jusqu’en 31 décembre 2021. (Cet argument ne concerne que les cotisations réclamées au titre des régularisations 2016 à 2018.)

Le délai de prescription en cause expirant le 18 novembre 2022, cet argument est inopérant.

Il résulte de l’ensemble de ces développements que, la contrainte ayant été signifiée le 3 avril 2023, soit après l’expiration du délai de prescription de l’action civile en recouvrement des cotisations et majorations y visées, elle doit être annulée. »[4]

 

 

Selon l’article R. 244-1, « lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant qui fait l’objet de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2 saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l’article R. 155-4, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-8-1 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif. »

 

Exemple :

Un nouveau délai de prescription de trois ans a couru à compter du jour où le jugement est devenu définitif, c’est-à-dire le 12 janvier 2020.

Le Tribunal Judiciaire de la Réunion a jugé que « la caisse ne se prévalant pas de causes interruptives ou suspensives de prescription intervenues à compter du 12 janvier 2020, l’action civile en recouvrement des cotisations et majorations litigieuses était prescrite à la date de la signification de la contrainte. »[5]

 

 

 

[1] en ce sens, et par analogie, concernant la notification d’une décision de suspension des indemnités journalières par une caisse d’assurance maladie : 2e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 18-24.590

Tribunal judiciaire de La Réunion – CTX PROTECTION SOCIALE 3 juillet 2024 / n° 23/00356

[2] Ass. plén., 7 avril 2006, n° 04-30.353

[3] Tribunal judiciaire de La Réunion – CTX PROTECTION SOCIALE 3 juillet 2024 / n° 23/00356

[4] Tribunal judiciaire de La Réunion – CTX PROTECTION SOCIALE 13 mars 2024 / n° 23/00223

[5] Tribunal judiciaire de La Réunion – CTX PROTECTION SOCIALE 10 avril 2024 / n° 23/00121




caisse générale de sécurité sociale reunion

caisse générale de sécurité sociale de reunion

caisse générale de sécurité sociale la réunion

cgss réunion

Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D’UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE