Commandement de payer sans décompte ? Les calculs sont pas bons URSSAF !
Lors d’un contrôle ou d’un recouvrement URSSAF, la procédure peut rapidement s’accélérer.
En bout de chaîne : le commandement de payer. Or, que se passe-t-il lorsque ce commandement ne comporte pas le décompte des sommes réclamées ? Est-il pour autant entaché de nullité ?
Dans cet article, nous faisons le point sur les exigences légales entourant le commandement de payer aux fins de saisie, notamment en matière URSSAF, et les sanctions en cas d’irrégularité, avec un focus particulier sur l’absence de décompte détaillé des sommes dues.
Quelles mentions obligatoires dans un commandement de payer ?
L’article L. 221-1 du Code des procédures civiles d’exécution autorise tout créancier muni d’un titre exécutoire à faire procéder à une saisie-vente, après signification d’un commandement de payer :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.
Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.
Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution. »
Mais pour que ce commandement soit valide, il doit respecter les mentions prévues par l’article R. 221-1 du même code :
« Le commandement de payer prévu à l'article L. 221-1 contient à peine de nullité :
1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
2° Commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles »
Celui-ci impose, à peine de nullité, les éléments suivants :
- Mention du titre exécutoire à l’origine des poursuites ;
- Le décompte distinct des sommes réclamées : principal, intérêts échus, frais ;
- L’indication du taux d’intérêt applicable ;
- L’avertissement qu’à défaut de paiement dans les huit jours, une saisie peut être engagée.
Si l’un de ces éléments fait défaut, le commandement peut être annulé.
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Pourquoi l’absence de décompte est-elle une irrégularité grave ?
En cas d’omission du montant des intérêts échus à la date de signification ou du taux applicable, le débiteur est privé d’une information essentielle : il ne peut pas vérifier la liquidité et l’exigibilité de la créance.
Le commandement de payer devient alors un acte de poursuite privé de transparence, ce qui justifie pleinement sa nullité, selon une jurisprudence constante.
Selon l’article R. 321-3, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie immobilière doit comporter, à peine de nullité, le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires.
Le commandement qui ne mentionne pas le montant des intérêts échus à la date de sa délivrance doit être annulé[1].
La référence au titre exécutoire en vertu duquel l'acte a été délivré ne dispense pas le créancier de présenter sa créance en distinguant les sommes réclamées en principal, des frais et intérêts échus ainsi qu'en indiquant le taux des intérêts. Le renvoi au titre exécutoire ne peut donc pallier les insuffisances du décompte[2]
Le grief du débiteur : une condition indispensable à l’annulation
Il résulte de l'application combinée des articles 649 du code de procédure civile qui prévoit que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure et de l'alinéa 2 de l'article 114 du même code de procédure civile que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ainsi prévue sanctionne un vice de forme, qui rend nécessaire la preuve d'un grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile. Par ailleurs, une simple erreur dans le montant des sommes réclamées ne donne lieu qu'à la rectification des causes de la saisie[3].
L’absence de décompte des frais et intérêts échus ainsi qu'en indiquant le taux des intérêts cause un préjudice au débiteur qui n'a pas disposé des informations nécessaires pour s'assurer de la liquidité et de l'exigibilité de la créance réclamée[4].
Il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente
En effet, le débiteur s'est ainsi trouvé, lorsque le commandement lui a été délivré, dans l'impossibilité de savoir quel montant lui était effectivement réclamé et donc de vérifier la régularité du montant qui lui était réclamé ainsi que la validité des poursuites engagées contre lui alors qu'elle disposait d'un délai de huit jours pour régler sa dette et pouvoir ainsi faire obstacle à la poursuite de la saisie.
La régularisation tardive est-elle possible ? Non.
La jurisprudence est claire : le défaut de décompte ne peut pas être régularisé a posteriori par la transmission d’un relevé actualisé plusieurs mois plus tard ou à l’occasion d’une audience.
Cette irrégularité du commandement n'a pas été régularisée par la signification d'un nouveau commandement visant le décompte correspondant réellement au prêt visé dans le titre exécutoire, étant souligné que la transmission du décompte actualisé pour la première fois à hauteur de justice, soit plusieurs mois après la signification du commandement, ne saurait constituer une régularisation de ce manquement. Il convient dès lors de constater la nullité du commandement[5].
Il fallait que le commandement initial contienne dès l’origine toutes les mentions exigées. À défaut, la procédure de saisie initiée est irrégulière, et le juge peut prononcer la nullité de l’acte.
Conclusion : soyez vigilants face aux commandements URSSAF
Un commandement de payer URSSAF sans décompte précis n’est pas conforme à la loi. Il peut et doit être contesté si vous êtes dans l’incapacité de vérifier les sommes réclamées.
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[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2021, 19-14.318
[2] Cour d'appel de Paris - Pôle 1 - Chambre 10 4 avril 2024 / n° 23/03765
[3] Cour d'appel d'Angers - Chambre A – Commerciale 7 mai 2024 / n° 23/01196
[4] Cour d'appel de Paris - Pôle 1 - Chambre 10 4 avril 2024 / n° 23/03765
[5] Cour d'appel de Nancy – JEX 21 septembre 2023 / n° 23/00603
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Eric ROCHEBLAVE
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