Lettre d’observations URSSAF : l’absence d’information sur les documents obtenus auprès de tiers entraîne la nullité
Lors d’un contrôle URSSAF, la lettre d’observations joue un rôle central : elle synthétise les éléments sur lesquels l’organisme entend fonder un éventuel redressement. Mais que se passe-t-il lorsque ces éléments proviennent de documents ou d’informations obtenus auprès de tiers, sans que l’entreprise en soit clairement informée ?
L’article L.114-21 du Code de la sécurité sociale impose à l’URSSAF une obligation de transparence à ce sujet. Cette exigence d'information constitue une garantie essentielle pour le cotisant, dont le non-respect peut entraîner la nullité du redressement.
Cet article fait le point, textes et jurisprudence à l’appui, sur les contours de ce droit à l'information et sur les conséquences d’une lettre d’observations incomplète.
L’absence d’information dans la lettre d’observations URSSAF sur les documents obtenus auprès de tiers rend le redressement nul.
Selon l’article L.114-21 du Code de la sécurité sociale, l’URSSAF doit informer l’entreprise contrôlée de la teneur et de l’origine des documents obtenus auprès de tiers avant toute mise en recouvrement. Le non-respect de cette obligation d’information constitue une irrégularité substantielle qui entraîne la nullité de la procédure de redressement.
Le droit de communication URSSAF
L'article L.114-19 du code de la sécurité sociale, prévoit que :
« Le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires :
1° Aux agents des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes ;
2° Aux agents chargés du contrôle mentionnés aux articles L. 243-7 du présent code et L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime pour accomplir leurs missions de contrôle définies aux mêmes articles et leur mission de lutte contre le travail dissimulé définie aux articles L. 8271-7 à L. 8271-12 du code du travail (1) ;
3° Aux agents des organismes de sécurité sociale pour recouvrer les prestations versées indûment ou des prestations recouvrables sur la succession ;
4° Aux agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code et à l'article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime pour le recouvrement des créances relatives à une infraction aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail ;
5° Aux directeurs et aux directeurs comptables et financiers des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code et aux agents placés sous leur autorité pour accomplir les actions de contrôle et de lutte contre la fraude mentionnées à l'article L. 114-9.
Le droit prévu au premier alinéa peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les données ainsi obtenues par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 du présent code et les organismes mentionnés à l'article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime peuvent, au titre de l'accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé, faire l'objet d'une interconnexion avec les données dont ces mêmes organismes disposent. Les modalités de l'interconnexion sont définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents et peut s'accompagner de la prise immédiate d'extraits et de copies.
Les documents et informations sont communiqués à titre gratuit, par voie dématérialisée sur demande de l'agent chargé du contrôle ou du recouvrement, dans les trente jours qui suivent la réception de la demande.
Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du premier alinéa du présent article est puni d'une pénalité de 1 500 € par cotisant, assuré ou allocataire concerné, sans que le total de la pénalité puisse être supérieur à 10 000 €.
Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du septième alinéa du présent article est puni d'une pénalité de 5 000 €. Cette pénalité s'applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités n'est pas communiqué.
Ces montants sont doublés en cas de récidive de refus ou de silence gardé du tiers dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trente jours octroyé au tiers pour faire droit à la première demande de l'organisme de sécurité sociale. »
Les personnes concernées par le droit de communication URSSAF
L'article L.114-20 du même code définit, par référence au livre des procédures fiscales, les personnes auprès desquelles le droit de communication s'exerce :
« Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d'échanges d'informations, le droit de communication défini à l'article L. 114-19 est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A, L. 84, L. 84 A, L. 91, L. 95 et L. 96 B à L. 96 F. »
L’obligation d’information du cotisant par l’URSSAF ayant usé de son droit de communication
Aux termes de l'article L.114-21,
« L'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »
L'objet d'une telle disposition est de permettre à la société contrôlée de prendre connaissance des éléments à l'origine du projet de redressement, afin de pouvoir notamment discuter leur provenance, contester les conclusions qui en ont été tirées par l'organisme de sécurité sociale et demander que les documents soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement, afin qu'elle puisse en vérifier l'authenticité et en discuter la teneur ou la portée.
Les dispositions de l'article L.114-21 du code de la sécurité sociale instituent ainsi une garantie au profit de la société contrôlée et l'obligation d'information qui en résulte constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle.
Il doit par ailleurs être satisfait à cette obligation d'information avec une précision suffisante pour mettre la société contrôlée en mesure de disposer d'un accès effectif, avant la mise en recouvrement, à ces informations et documents.
Nullité du redressement URSSAF en cas de défaut d’information sur des documents de tiers
La Cour d’appel de Poitiers a jugé[1] :
« il est clairement indiqué dans la lettre d'observations que les inspecteurs du recouvrement ont obtenu auprès de la société [B] la production d'un tableau récapitulatif afin de déterminer la participation des salariés aux frais de repas dans la cantine de l'établissement.
L'Urssaf soutient principalement qu'elle n'avait pas à mettre en oeuvre la procédure du droit de communication dès lors que c'est la société [A] elle-même qui a invité les inspecteurs à se rapprocher de la société [B] pour obtenir des données exploitables.
Or, il résulte des dispositions susvisées que l'Urssaf ne pouvait pas s'exonérer de son obligation d'information sous le seul prétexte que la société, lors des opérations de contrôle, l'avait orientée vers une société tierce pour obtenir certaines informations, ni même au motif que les informations obtenues auprès de cette seconde société éviterait à la première l'application d'une taxation forfaitaire.
Il appartenait donc à l'Urssaf de permettre à la société [A] de bénéficier de la garantie prévue par les dispositions de l'article L.114-21 en l'informant dans la lettre d'observations qu'elle lui a adressée de la teneur des informations et documents obtenus auprès de la société [B], sur lesquels elle s'est fondée pour déterminer un rappel de cotisations et de contributions sociales, avec un niveau de précision suffisant pour la mettre en mesure d'exercer ses droits avant la mise en recouvrement, ce qu'elle n'a pas fait.
Ainsi, dans la lettre d'observations, les inspecteurs du recouvrement se bornent à indiquer pour chaque année le montant total de la 'participation des salariés', sans détailler davantage le contenu de ce poste alors qu'ils disposaient d'informations plus précises dans le tableau communiqué par la société [B].
A défaut d'avoir mis en oeuvre la procédure de l'article L.114-21, les opérations de contrôle doivent être déclarées irrégulières et le redressement portant sur le chef n°10 doit être annulé. »
[1] Cour d'appel de Poitiers - Chambre sociale 3 avril 2025 / n° 22/01040
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
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et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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du Barreau de Montpellier
Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier
DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique
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