Une responsable de magasin portant un pendentif en forme de croix ne peut pas reprocher à une vendeuse de porter un turban

L'interdiction pour une salariée de porter un turban constitue une discrimination fondée sur ses convictions religieuses, rendant le licenciement nul, en l'absence d'éléments objectifs justifiant cette interdiction.

Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en œuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié (...) en raison notamment de ses convictions religieuses, les restrictions éventuelles à la liberté religieuse devant être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.

L'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

En présence du refus d'une salariée de se conformer à une telle clause dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l'entreprise, il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement.




La Cour d'appel de Paris a jugé[1] :

« Mme [P], vendeuse au sein du magasin Zara de [Localit], s'est présentée le 5 mars 2019 sur son lieu de travail, au retour de son congé parental en portant, pour la première fois, un turban sur sa tête qu'elle n'a pas voulu ôter durant son service en boutique.

Le contrat de travail prévoit que les « conditions de travail sont également régies par tous règlements internes à la société Zara France ».

La société fait valoir que l'article 13 du règlement intérieur dispose que « dans un souci de neutralité et pour ne pas heurter la sensibilité de la clientèle, le personnel en contact avec la clientèle ou les fournisseurs ne doit pas manifester, à titre individuel ou collectif, d'opinions à caractère politique, religieux ou philosophique ». Ce document n'est pas versé aux débats mais la salariée n'en conteste ni l'existence ni la teneur.

La cour retient que cette clause de neutralité, mentionnée dans le règlement intérieur, est générale et indifférenciée puisqu'elle interdit toute manifestation d'opinions qu'elles soient politiques, religieuses ou philosophiques. En l'espèce, la salariée admet que le port de ce turban était une manifestation du fait religieux puisqu'elle invoque dans ses conclusions le principe de la liberté religieuse.

Par ailleurs, cette restriction est justifiée par l'exercice d'autres libertés, à savoir le respect de la sensibilité de la clientèle, et ne concerne que le personnel en contact avec la clientèle et les fournisseurs.

Toutefois, l'employeur admet que Mme [F], Responsable du magasin, portait un pendentif en forme de croix, manifestement visible puisque Mme [P] lui en a fait la remarque, alors que, compte tenu de ses fonctions, elle était nécessairement en contact avec la clientèle. Il ne justifie par aucun élément objectif en quoi le port de cette croix ne constituait pas, au même titre que le turban, une manifestation d'opinion religieuse.

L'interdiction faite à la salariée de porter un turban caractérise donc l'existence d'une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de celle-ci, qui rend le licenciement nul. »

[1] Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 10 12 septembre 2024 / n° 21/07734




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Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
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Lauréat de l’Ordre des Avocats
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Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

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DEA Droit Privé Fondamental
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