Enquête interne en entreprise : pourquoi, quand, comment, les employeurs doivent-ils faire des enquêtes internes ?
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Pourquoi les employeurs doivent-ils faire des enquêtes internes ?
Enquête interne ⚖️ L’avocat « enquêteur interne » 🔎, la nouvelle défense des employeurs
Faire une enquête interne est un droit pour les employeurs
L’enquête interne est un droit pour les employeurs.
La Cour d’appel de Pau a jugé que « l'employeur est en droit de faire établir un rapport d'enquête interne. »[1]
Faire une enquête interne est une obligation pour les employeurs
Faire une enquête interne est obligatoire lors d’allégations de harcèlement
Lors d’allégations de harcèlement, les employeurs ont l’obligation de diligenter une enquête interne.
A lire :
Harcèlement moral : pourquoi un employeur doit-il diligenter une enquête interne par un avocat ?
Pour la Cour de cassation[2], l’absence d’enquête interne, suite à l’allégation d’un harcèlement moral, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels, même si aucun agissement répété de harcèlement moral n’a été établi.
La Cour d’appel de Bordeaux a jugé que des allégations de harcèlement « devaient nécessairement alerter le dirigeant de la société et conduire a minima une enquête interne sur le fonctionnement de l’établissement. »[3]
La Cour d’appel de Montpellier a jugé que lorsque l’employeur est informé par une salariée de ce qu’elle considérait être victime de harcèlement moral, « l’enquête interne est destinée à clarifier les faits »[4].
Faire une enquête interne est obligatoire lors d’allégations de souffrance au travail
Lors d’allégations de souffrance au travail, les employeurs ont l’obligation de diligenter une enquête interne.
La Cour d’appel de Versailles a fait grief à un employeur qui « n'a pas procédé une enquête interne pour vérifier le sérieux et la matérialité de la dénonciation d’une souffrance au travail »[5]
Les employeurs qui font des enquêtes internes « apportent le traitement adéquat »
Pour la Cour d’appel de Paris « en procédant à une enquête interne qui a abouti à la mise à pied de la personne impliquée en raison du comportement décrit par X. L’employeur a ainsi fait preuve de diligence dans le traitement des difficultés portées à sa connaissance auxquelles il a apporté le traitement adéquat. »[6]
Pour la Cour d’appel de Pau, « l’employeur n’a commis aucun manquement à l’obligation de sécurité alors qu’il a déclenché, dès qu’il a eu connaissance des faits de harcèlement moral dénoncés par la salariée, une enquête interne et qu’il a invité cette dernière à s’expliquer sur ses accusations dans le cadre de cette enquête. »[7]
Pour la Cour d’appel de Versailles, l’employeur qui a « immédiatement diligenté une enquête interne » , n’a pas manqué à « son obligation de sécurité de résultat et ses obligations de prévention »[8]
Les employeurs qui ne font pas d’enquêtes internes sont sanctionnés
Ne pas diligenter d’enquête interne ou diligenter tardivement une enquête interne constitue un manquement grave de l’employeur justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs.
Pour la Cour d’appel de Douai, lorsque « ce n’est que très tardivement soit après réception du courrier de prise d’acte de la rupture, intervenu pourtant plusieurs semaines après la première dénonciation, que l’employeur a consenti à faire diligenter une enquête interne. », ce fait « constitue un manquement grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail à ses torts exclusifs. »[9]
L’employeur qui ne diligente pas d’enquête interne manque à son obligation de sécurité.
L’article L 4121-1 du Code du travail dispose que les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Pour la Cour d’appel de Montpellier[10], manque à son obligation de sécurité, l’employeur, informé par une salariée de ce qu’elle considérait être victime de harcèlement moral de la part d’une autre salariée, n’a mené aucune enquête interne destinée à clarifier les faits.
Conséquences, dans cette espèce, l’employeur a été condamné à verser à la salariée 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité.
De même, pour la Cour d’appel de Paris[11], lorsqu’aucune enquête n’a été diligentée par l’employeur suite à la dénonciation de faits de harcèlement, il est alloué à la salariée la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur.
Pour la Cour d’appel de Colmar, lorsque « aucune enquête interne n’a été effectuée », « l’employeur ne justifie pas avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; »[12]
Faire une enquête interne permet de sécuriser le pouvoir disciplinaire des employeurs
L’enquête interne permet de déterminer si une action doit être prononcée puis d’établir en justice que cette sanction est justifiée.
Pour la Cour de cassation[13], les employeurs qui ont connaissance de faits répréhensibles, susceptibles d’être disciplinairement sanctionnés, peuvent procéder à une enquête interne et recueillir les explications de leurs salariés.
La Cour d’appel de Pau a jugé que « l'employeur est en droit d’utiliser une enquête interne pour déterminer si une sanction doit être prononcée à l'encontre du salarié puis pour établir en justice que cette sanction est justifiée. »[14]
Le délai de prescription disciplinaire commence à courir à la date de la clôture de l’enquête interne
Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Par conséquent, dès que l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement.
C’est le jour où l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a connaissance du fait fautif qui fixe le point de départ du délai de deux mois.
C’est seulement le jour où l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur du fait fautif, qui fixe le point de départ du délai de deux mois.
Ainsi, pour la Cour d’appel de Toulouse, « lorsqu’une enquête interne est diligentée, le délai de prescription commence à courir à la date de la clôture de l’enquête. »[15]
Les employeurs n’ont pas l’obligation de communiquer le compte rendu de l’enquête interne préalablement à la procédure de licenciement.
Pour la Cour d’appel de Versailles, « Si l’article L 1232-3 du code du travail fait obligation à l’employeur d’indiquer au cours de l’entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier de la sanction ;
L’employeur n’a ainsi pas l’obligation de communiquer les pièces et compte rendu d’enquêtes internes préalablement à la procédure de licenciement »[16]
En l’absence d’enquête interne, les sanctions disciplinaires sont annulées.
Pour la Cour d’appel de Bordeaux, « le doute devant profiter au salarié et l’employeur n’ayant pas vérifié par une enquête interne les justifications circonstanciées du salarié, le jugement sera confirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement. »[17]
Faire une enquête interne permet à un employeur de recueillir les témoignages des salariés de l’entreprise
Pour la Cour d’appel de Metz, « un employeur étant informé de faits potentiellement fautifs est tout à fait fondé à effectuer une enquête interne préalablement à l’engagement d’une procédure disciplinaire et, dans ce cadre, à rassembler des attestations de salariés », « Rien ne permet de remettre en cause l’existence d’une enquête interne ayant permis de recueillir les témoignages des salariés. »[18]
Un rapport d’enquête interne est une preuve recevable en justice
La Cour d’appel de Pau a jugé qu’« en matière prud'homale la preuve est libre de sorte que rien ne s'oppose à ce que le juge examine un rapport d'enquête interne établi par l'employeur ou une autre société du groupe. Il lui appartient seulement d'en apprécier la valeur et la portée, en vérifiant notamment si l'enquête n'a pas été menée à charge. »[19]
Pour la Cour de Cassation[20], à l’instar d’un rapport d’expertise privée, un rapport d’enquête interne présente une valeur probante dès lors qu’il respecte les droits de la défense (c’est-à-dire que le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance et de présenter ses observations) et qu’il est conforté par un (ou plusieurs) autre(s) élément(s) de preuve.
Pour la Cour d’appel de Paris, « dans la mesure où le rapport d’enquête interne sur lequel la mesure de licenciement repose en partie, a été porté à la connaissance du salarié de façon contradictoire et exhaustive avec l’ensemble des témoignages recueillis, avant la réunion de la commission disciplinaire devant laquelle il a comparu, l’exigence de transparence et d’information du salarié a été remplie »[21]
Quand les employeurs doivent-ils faire des enquêtes internes ?
Les employeurs doivent diligenter rapidement leur enquête interne.
La Cour d’appel de Paris a jugé que « l’employeur qui justifie avoir diligenté à compter du 5 octobre 2016 une enquête interne, il ne peut qu’être constaté que cette réaction a été tardive » lorsque « par mail du 19 juillet 2016, un salarié a dénoncé auprès de la direction un comportement déplacé de sa part à l'égard de 5 salariées. »[22]
Comment les employeurs doivent-ils faire des enquêtes internes ?
Les enquêtes internes réalisées par les employeurs eux-mêmes ou un de leurs salariés (ex : direction des ressources humaines) sont jugées partiales et donc irrecevables
Comme le souligne la Cour d’appel de Papeete, « il n’est pas prévu de règles particulières s’agissant les modalités de l’enquête interne que l’employeur doit diligenter »[23]
Toutefois, la jurisprudence conditionne la validité d’une enquête interne à son impartialité.
Très souvent les enquêtes internes réalisées par les employeurs eux-mêmes ou un de leurs salariés sont jugées impartiales.
Pour la Cour d’appel de Pau, « si aucun formalisme n’est prévu s’agissant du déroulement de l’enquête et si l’employeur a toute liberté dans la composition de la commission d’enquête sauf dispositions conventionnelles contraires, il demeure que l’enquête menée se doit d’être impartiale. »[24]
Pour la Cour d’appel de Versailles, l’enquête interne établie par la « responsable des relations sociales », « salariée de l’entreprise », « n’a pas été réalisée dans des conditions garantissant son impartialité »[25]
La Cour d’appel de Grenoble a jugé que des « témoignages recueillis par l’employeur à partir d’un même questionnaire élaboré par ce dernier, constitué de questions très fermées et très orientées, ne laissant aucune place à la spontanéité et la liberté de parole des salariés dont les réponses très similaires alimentent un dossier à charge de la salariée qui avait dénoncé une situation de souffrance au travail, cette enquête interne apparaissant dans ces conditions plutôt comme un dévoiement de ce que l’employeur qualifie, sans en convaincre la cour, d’enquête « pour prendre la mesure des faits dont se plaignait la salariée »[26]
Lorsque leurs enquêtes sont jugées partiales, les employeurs sont condamnés avec toutes les conséquences financières en découlant.
L’avocat : l’« enquêteur interne » par excellence en entreprise
Les employeurs peuvent avoir recours à un avocat « enquêteur », un « collecteur de preuves » et d’informations pour qu’il diligente une investigation interne, soit dans une démarche de prévention ou en réponse à une alerte, soit alors même qu’une enquête sur l’existence potentielle de pratiques illicites en son sein et menée par une autorité administrative ou judiciaire est déjà ouverte.
A lire :
L’avocat « enquêteur interne », la nouvelle défense des employeurs
L’avocat a pour rôle d’établir un rapport d’enquête établissant la matérialité ou l’absence de matérialité des faits allégués, identifiant les personnes impliquées.
Suite à ce rapport d’enquête, l’employeur peut aussi être conseillé par l’avocat sur l’évaluation des risques juridiques et mesures disciplinaires et de protections à prendre.
Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste intervient en qualité d’avocat chargé d’enquêtes internes au sein des entreprises partout en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Vous pouvez lui demander d’intervenir dans votre entreprise.
Faire une enquête interne : une procédure juridiquement complexe pour les employeurs
Faire une enquête interne en entreprise ne s’improvise pas.
Les « pièges » juridiques sont nombreux pour les employeurs.
En effet, la jurisprudence encadre particulièrement la régularité des enquêtes internes.
Les investigations doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits à l’origine de l’enquête
Le Conseil d’Etat a jugé que « lorsqu'un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l'origine de l'enquête »[27]
Les investigations ne sauraient porter d’atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée
Le Conseil d’Etat a jugé que « les investigations ne sauraient porter d'atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée. »[28]
Le respect du principe du contradictoire et plus largement des droits fondamentaux doit être garanti au cours de l’enquête interne
Pour la Cour d’appel de Versailles, « le salarié accusé doit être entendu lors de l’enquête interne, comme la salariée se plaignant de ses agissements et les membres de son équipe, et être mis à même d’indiquer s’il avait des éléments factuels à fournir afin d’étayer sa propre version des faits »[29]
Aucune obligation légale n’impose à l’employeur d’organiser une confrontation dans le cadre d’une enquête interne
Pour la Cour d’appel de Versailles, « aucune obligation légale n’imposait à l’employeur d’organiser une confrontation, s’agissant au surplus d’une enquête sur un comportement inappropriée par un supérieur hiérarchique envers une jeune salariée »[30]
« Les droits de la défense » du salarié ne sont pas applicables dans le cadre d’une enquête interne
La Cour d’appel de Pau a jugé qu’un « employeur n'est pas tenu de permettre au salarié de se faire assister à l'occasion d'une enquête interne et les «'droits de défense'» ne sont pas applicables, l'enquête n'étant ni un entretien préalable, ni un procès, lesquels interviennent, le cas échéant, après l'enquête. »[31]
Pour la Cour de Cassation[32], une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.
[1] Cour d'appel de Pau - ch. Sociale 10 février 2022 / n° 19/01351
[2] Cass. Soc. 27 novembre 2019, 18-10.551
[3] Cour d’appel de Bordeaux – ch. sociale sect. B 29 avril 2021 / n° 18/06120
[4] Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 02 23 juin 2021 / n° 18/00774
[5] Cour d'appel de Versailles - ch. 15 9 février 2022 / n° 19/00058
[6] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 04 17 mars 2021 / n° 18/12334
[7] Cour d’appel de Pau – ch. Sociale 18 mars 2021 / n° 18/02922
[8] Cour d’appel de Versailles – ch. 17 17 février 2021 / n° 18/04457
[9] Cour d’appel de Douai – ch. Sociale 28 mai 2021 / n° 1678/21
[10] Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 02 23 juin 2021 / n° 18/00774
[11] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 11 22 juin 2021 / n° 19/05860
[12] Cour d’appel de Colmar – ch. sociale sect. A 18 mars 2021 / n° 21/362
[13] Cass. crim., 28 février 2018, 17-81.929
[14] Cour d'appel de Pau - ch. Sociale 10 février 2022 / n° 19/01351
[15] Cour d’appel de Toulouse – ch. 04 sect. 02 18 juin 2021 / n° 2021/464
[16] Cour d’appel de Versailles – ch. 11 28 janvier 2021 / n° 19/02684
[17] Cour d’appel de Bordeaux – ch. sociale sect. B 25 mars 2021 / n° 18/04824
[18] Cour d’appel de Metz – ch. sociale sect. 01 20 avril 2021 / n° 21/00350
[19] Cour d'appel de Pau - ch. Sociale 10 février 2022 / n° 19/01351
[20] Cass. Soc. 4 juillet 2018, n° 17-18.241
[21] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 08 24 juin 2020 / n° 17/07179
[22] Cour d'appel de Paris - Pôle 06 ch. 04 9 février 2022 / n° 19/09360
[23] Cour d’appel de Papeete – ch. Sociale 11 février 2021 / n° 19/00023
[24] Cour d’appel de Pau – ch. Sociale 15 avril 2021 / n° 18/03803
[25] Cour d’appel de Versailles – ch. 15 9 juin 2021 / n° 18/03330
[26] Cour d’appel de Grenoble – ch. sociale sect. B 24 juin 2021 / n° 19/01114
[27] Conseil d'Etat 2 mars 2020 n° 418640
[28] Conseil d'Etat 2 mars 2020 n° 418640
[29] Cour d’appel de Versailles – ch. 11 28 janvier 2021 / n° 19/02684
[30] Cour d’appel de Versailles – ch. 11 28 janvier 2021 / n° 19/02684
[31] Cour d'appel de Pau - ch. Sociale 10 février 2022 / n° 19/01351
[32] Cass. Soc. 17 mars 2021, n° 18-25.597
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