Maltraitance des handicapés, défaillances structurelles, fraude sociale, ruptures abusives des contrats… les IME et les ESAT face à la Justice française et l’ONU
Maltraitance des handicapés, défaillances, fraudes, abus…
Les IME et ESAT sont pointés du doigt pour leurs graves manquements.
Découvrez les défaillances du système face à la justice française et aux critiques de l’ONU qui demande leur fermeture.
Maltraitance des handicapés dans des IME
La Cour d’appel de Riom a jugé[1] qu’une aide médico- psychologique de l'Association Départementale d'Amis, de Parents et de Personnes Handicapées Mentales du Puy-de-Dôme (ADAPEI 63) a « crié sur [L]: toi, tu n'iras pas à l'internat, tu files dans l'unité'. Face au refus d'[L], elle l'attrape par le col, tire ses vêtements et le pousse sur une quinzaine de mètres. Une fois arrivés dans la salle, elle sort, ferme la porte de l'unité et maintient la poignée pour qu'il ne ressorte pas.' L'enfant concerné par vos agissements a été retrouvé le 22 janvier 2019, soit le jour même, vers 16h 10, 'en position fœtale, prostré', indiquant 'elle a pas le droit de me toucher [U], elle a pas le droit, je veux plus la voir, je veux partir, plus revenir'. L'enfant a également verbalisé les propos suivants: '[U] n'a pas le droit de toucher à mon corps'. »
« Cette attitude, ne correspondant pas à celle qui peut être légitimement attendue d'un professionnel expérimenté de l'enfance handicapée, constitue indubitablement une faute qui, eu égard à l'émoi provoqué chez l'enfant rudoyé et au sein de l'institut médico- éducatif. »
La Cour d’appel de Riom a jugé[2] qu’une aide médico-psychologique « a commis des faits de violence, psychologique et physique, à l'encontre de plusieurs pensionnaires de l’Association AGEPAPH IME »
La Cour d’appel de Paris a jugé[3] que « le comportement violent » d’une maîtresse de maison au sein de l'association La maison maternelle « est avéré et il fait suite à un précédent geste agressif de la salariée »
La Cour d’appel de Reims a jugé[4] que « le recours à la violence [par un éducateur spécialisé de l'association de Parents de personnes handicapées mentales et leurs amis (APEI)] est incompatible avec les fonctions d'éducateur. »
« Rapport d'incident établi le 12 mars 2021 par Mme [V] dans les termes suivants : « jeudi 11 mars 2021, à 8h45 à l'internat, je descends avec les petits pour aller au bus. Lorsque j'arrive dans le hall, j'entends des cris provenant de l'étage des grands. Je vais donc voir. Lorsque j'arrive devant la chambre de [C], [C] est allongé sur son lit, [Y] [J] se trouve au-dessus de lui est en train de lui mettre des coups dans le dos »
La Cour d’appel de Grenoble a jugé[5] que « Mme L exerce les fonctions de monitrice éducatrice pour lesquelles elle est diplômée depuis de nombreuses années et qu'il entre dans ses missions principales de gérer des personnes avec des difficultés physiques et psychologiques importantes, objet même de la fondation PERCE NEIGE qui consiste à accueillir et accompagner les enfants et adultes touchés par une déficience mentale, un handicap physique ou psychique et d'apporter un soutien aux familles en assurant leurs soins et leur sécurité.
Ainsi manifestement, Mme L a failli à sa mission et a, en perdant manifestement patience, et adoptant un comportement inapproprié et agressif à l'encontre de personnes accueillies dans le cadre de sa mission, commis une faute d'une gravité telle qu'elle rendait impossible le maintien de l'intéressée au sein de l'entreprise. »
La Cour d’appel de Grenoble a jugé[6] que « des faits de maltraitance envers les enfants caractérisés par une agressivité et une brutalité les concernant lors de situations tout à fait classiques de prise en charge (éclats de voix envers les enfants, gestes brusques, etc.), l'usage de gestes violents et avilissants (forte tape derrière la tête d'un enfant afin de le contraindre un enfant à rentrer, sortir violemment un enfant des toilettes culotte baissée ou encore de forcer de manière récurrente un enfant à s'assoir en tirant avec force sur le bandana qu'il porte noué autour de son coup, le fait de laisser, au mois de juillet 2014, un enfant enfermé dans un véhicule lors d'une sortie au motif qu'il serait difficile compte tenu de son poids de le faire remonter ou encore des violences physique toutes les fois qu'un enfant n'obéit immédiatement (faire tomber volontairement un enfant de son vélo pour qu'il cesse l'activité, pousser et taper un enfant agité pour le calmer, etc.), (…), commis par un professionnel, portent atteinte aux règles de bientraitance d'un public particulièrement fragile confié à l'ADAPEI »
Défaillances structurelles dans la prise en charge des handicapés dans des IME
La Cour d’appel de Paris a jugé[7] que « l'inadéquation de la structure d'accueil des enfants autistes au sein de l'IME de Chateaudun a été stigmatisée dans un rapport d'évaluation de mai 2014 comme "pouvant être génératrice de difficultés dans la prise en charge des jeunes".
La Cour d’appel de Dijon a jugé[8] qu’au sein de l’Association UGECAM BOURGOGNE FRANCHE COMTÉ - Institut médico éducatif Villeneuve à ESSEY « des collègues de Madame A ont mis en évidence des difficultés organisationnelles engendrées par l'ouverture récente de l'unité accueillant des enfants présentant des troubles envahissants du comportement ; qu'il a été indiqué que Madame A avait pu se trouver seule comme titulaire pour encadrer les enfants en l'absence des deux autres membres de l'équipe éducative appelés à intervenir sur d'autres sites ; que ceux ci ont soutenu que la formation prévue initialement avait tardé à s'organiser, que la demande de pouvoir disposer d'un temps d'analyse et de questionnement sur les pratiques face à la public accueilli n'avait par reçu de réponse ; qu'ils ont ajouté que peu de temps était consacré aux réunions pluridisciplinaires »
Fraude sociale dans un ESAT
La Cour d’appel de Versailles a confirmé[9] la condamnation de l’Association X qui gère un établissement et service d'aide au travail (l'ESAT) qui exerce une activité maraîchère de produits cultivés et vendus sur place : « les agents des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE) se sont rendus dans les locaux de l'ESAT à la suite d'un accident mortel dont a été victime un travailleur handicapé. Celui-ci a été retrouvé le haut du corps coincé dans la vis d'un pressoir. L'entraînement dans le mécanisme du pressoir a causé le décès de la victime.
Un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés a été dressé par la DIRECCTE, le 27 février 2015, concernant plusieurs engagés en service civique, le cadre de leur contrat n'ayant pas été respecté.
Sur la base de ce procès-verbal, l'URSSAF a, le 9 juin 2015, notifié à l'association une lettre d'observations suivie, le 6 novembre 2015, d'une mise en demeure au titre d'un redressement forfaitaire pour dissimulation d'emplois salariés pour la période du 28 avril au 10 juin 2014. »
Ruptures abusives par des ESAT des contrats de soutien et d’aide par le travail
Selon l'article L. 241-6, I, 2°, du code de l'action sociale et des familles, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est compétente pour désigner les établissements et services d'aide par le travail (Esat) mentionnés à l'article L. 312-1 concourant à l'accueil de l'adulte handicapé, cette désignation s'imposant à tout établissement ou service qui ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l'accompagnement sans décision préalable de la commission.
Le dernier alinéa de cet article dispose :
« Lorsque l'évolution de son état ou de sa situation le justifie, l'adulte handicapé, ou, s'il n'est pas apte à exprimer sa volonté, la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, en tenant compte de son avis, les parents ou le représentant légal de l'enfant ou de l'adolescent handicapé ou l'établissement ou le service peuvent demander la révision de la décision d'orientation prise par la commission. L'établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l'accompagnement sans décision préalable de la commission. »
Par ailleurs, l'article D. 311-0-1 du même code dispose :
« Le contrat de séjour passé entre l'établissement ou le service d'aide par le travail et chaque travailleur handicapé, dénommé " contrat de soutien et d'aide par le travail ", doit prendre en compte l'expression des besoins et des attentes du travailleur handicapé ainsi que les conditions d'organisation et de fonctionnement propres à l'établissement ou au service d'aide par le travail. Le modèle de 'contrat de soutien et d'aide par le travail' est défini à l'annexe 3-9. »
Cette annexe 3-9 prévoit un article 11 ainsi rédigé :
« Art. 11. - Rupture anticipée du contrat de soutien et d'aide par le travail
Dès lors que l'une ou l'autre des parties au présent contrat souhaite dénoncer celui-ci, elle doit notifier son intention à l'autre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'intention de l'établissement ou du service d'aide par le travail X de rompre le présent contrat donne lieu à une information de la maison départementale des personnes handicapées.
Dans le mois qui suit l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant l'intention de rompre le présent contrat, un entretien doit être organisé entre les parties, pour échanger sur les motifs de cette rupture et en évoquer les conséquences.
La fin de la prise en charge de Mme, Mlle, M. [Y] par l'établissement ou le service d'aide par le travail X ne peut intervenir qu'à l'issue d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, prise en application des articles L. 241-6 et R. 241-28 (6° et 7°) du code de l'action sociale et des familles. Cette décision entraîne automatiquement la rupture du contrat de soutien et d'aide par le travail. »
La Cour d’appel de Versailles a jugé[10] :
« Ainsi, à supposer même que Mme [N] ait été en mesure de rédiger la lettre que la Fondation considère être une lettre de démission, ce qui n'est aucunement rapporté alors que l'intimée produit à l'inverse une attestation de M. [X] indiquant qu'elle ne sait ni lire ni écrire, cette lettre ne pouvait fonder en tout état de cause une démission en bonne et due forme. Ainsi qu'il résulte de l'article 11 précité, la fin de la prise en charge de Mme [N] ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
En outre, la Fondation a saisi la Maison départementale de l'autonomie le 5 avril 2023, ainsi qu'il résulte de la notification de la décision émanant de la MDA le 20 juin 2023. Or, dès avant cette date, par un courrier adressé par l'avocat de Mme [N] le 6 mars 2023, et dont l'avis de réception indique qu'il a été reçu le 8 mars suivant, la Fondation était informée de ce que Mme [N] ne souhaitait pas quitter son emploi et voulait au contraire reprendre son travail. Ainsi, la Fondation a transmis le courrier de démission alors même qu'elle savait que Mme [N], si tant est qu'elle eût jamais rédigé ce courrier, n'avait en tout état de cause pas souhaité démissionner.
La circonstance que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ait elle-même pris, sur le fondement de cette prétendue lettre de démission, une décision mettant fin au droit de Mme [N] de travailler au sein de l'Esat de Remalard n'était pas davantage de nature à autoriser la Fondation à lui opposer un refus, dès lors que cette dernière avait formé un recours contre cette décision en saisissant le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres, ce recours étant suspensif, ainsi qu'il résulte de l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles qui dispose en son premier alinéa : « Les décisions relevant du 1° du I de l'article L. 241-6 prises à l'égard d'un enfant ou un adolescent handicapé, ainsi que celles relevant des 2°, 3° et 5° du I du même article peuvent faire l'objet de recours devant les tribunaux judiciaires spécialement désignés en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire. Ce recours, ouvert à toute personne et à tout organisme intéressé, est dépourvu d'effet suspensif, sauf lorsqu'il est intenté par la personne handicapée ou son représentant légal à l'encontre des décisions relevant du 2° du I de l'article L. 241-6. »
Dès lors, le refus, de la part de la Fondation, de réintégrer Mme [N] au sein de l'Esat au sein duquel elle travaillait jusqu'à présent est bien constitutif d'un trouble manifestement illicite. »
La Cour d’appel de Paris a jugé [11]:
« La procédure prévue par le contrat et par l'article R 243-4 du code de l'action sociale prévoyant que la mesure conservatoire n'est valable que pour une durée d'un mois et que si à la date de l'échéance de la suspension, la commission ne s'est pas prononcée, celle ci est automatiquement prorogée jusqu'à la décision de la commission ce qui implique un maintien de la rémunération, n'a pas été respectée puisque son certificat de travail et solde de tout compte lui ont été adressés à la date du 1er septembre 2015, sans attendre la décision de la CDAPH, qui n'est intervenue que le 12 mai 2016 avec effet au 19 mai 2015.
Par ailleurs l'association Anne Marie Rallion, par l'envoi du certificat travail et du solde de tout compte, a anticipé la fin de sa prise en charge alors que la décision était de la compétence de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui ne s'était pas encore prononcée.
Elle ne rapporte pas la preuve d' avoir été informée dès le mois de septembre 2015, comme elle l'allègue, de la décision de la CDAPH qui a été rendue huit mois plus tard.
Dès lors, il y a lieu de considérer, au vu de la mise à pied non fondée et de l'irrespect de la procédure de rupture anticipée du contrat d'aide et de soutien par le travail prévue au contrat la liant à l'intéressé, qu'un abus a été commis par l'association dans sa rupture. »
L’ONU a exhorté la France de fermer ses IME et ESAT
La France a ratifié la convention internationale des droits de personnes handicapées.
Son article 27 précise que les personnes handicapées ont le droit de « travailler sur la base de l'égalité avec les autres [ce qui inclut] un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et un environnement de travail ouverts, inclusifs et accessibles à tous ».
En 2022, le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU (CRPD) a rendu une critique détaillée du modèle des ESAT et appelait le Gouvernement français à en finir au plus vite avec les IME et les ESAT.
Le CRPD ajoutait que « les environnements de travail ségrégués sont incompatibles avec le droit » inscrit à l'article 27.
Plus généralement, le CDPH reproche à la France une « législation et des politiques publiques fondées sur le modèle médical et les approches paternalistes du handicap ». Elle appelle donc les pouvoirs publics à « transposer dans le droit interne le modèle du handicap fondé sur les droits de l’Homme ».
« En France, la personne handicapée n’est pas considérée comme un sujet de droits, mais comme une personne avec des incapacités, approuve, dans une note, APF France handicap. C’est ce paradigme qu’il convient de changer en adaptant notre législation et en revoyant la définition même du handicap conformément à la convention. »
Le Comité reproche à la France l’absence d’une école réellement inclusive (Art.24) : comme le constate le Comité, malgré des efforts engagés récemment, des obstacles subsistent : de nombreux enfants et jeunes sont confrontés à des obstacles dans leur accès à l’éducation et tout au long de leur scolarité pour des raisons d’inadaptation structurelle de la pédagogie, de normes scolaires rigides, de manque d’accompagnement, de manque de formation des professionnels, d’inaccessibilité des lieux et des supports d’enseignement, etc.
Le Comité propose notamment « l’élaboration d’un cadre reconnaissant le droit des personnes handicapées à rechercher des soutiens individualisés par la mise en place d'aménagements raisonnables pour répondre aux besoins éducatifs individuels des enfants handicapés ».
Le Comité rappelle que l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société (Art. 19) n’est pas pleinement respectée en France et met en avant l’institutionnalisation systématique.
[1] Cour d'appel de Riom - Chambre sociale 13 septembre 2022 n° 20/00266
[2] Cour d'appel de Riom - Chambre sociale 14 février 2023 n° 20/01360
[3] Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 10 10 octobre 2024 n° 21/08402
[4] Cour d'appel de Reims - Chambre sociale 6 mars 2024 n° 23/00335
[5] Cour d'appel de Grenoble - ch. sociale sect. A 7 juillet 2020 n° 18/01194
[6] Cour d'appel de de Grenoble - ch. sociale sect. A 2 juillet 2019 n° 17/02033
[7] Cour d'appel de de Paris - Pôle 06 ch. 08 4 décembre 2019 n° 17/14447
[8] Cour d'appel de de Dijon - ch. Sociale 14 novembre 2019 n° 17/00593
[9] Cour d'appel de Versailles - 5e Chambre 7 décembre 2023 / n° 20/01086
[10] Cour d'appel de Versailles - Chambre civile 1-5 10 octobre 2024 / n° 24/00530
[11] Cour d'appel de Paris - Pôle 04 ch. 10 19 mai 2022 / n° 19/17240
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