Lenteur de la Justice sociale : comment obtenir de l’Etat des dommages et intérêts ?

 

Lenteur de la Justice
Que faire ?

 

L’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire prévoit que

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

 

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Qui juge la Justice sociale ?

Il n’appartient qu’au juge judiciaire d’apprécier les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire[1].

Il n’entre pas dans l’office du juge administratif de connaître de tels litiges liés au fonctionnement du service public de la justice judiciaire[2].

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des décisions ou mesures qui relèvent du fonctionnement du service public de la justice et dont l’examen se rattache à la fonction juridictionnelle ou conduit à porter une appréciation sur la marche même des services judiciaires[3].

Il appartient donc au juge judiciaire d’apprécier la lenteur de la justice sociale.

Qu’est-ce qu’un déni de justice ?

Aux termes de l’article L.141-3, alinéa 4, du même code, « il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées ».

Un déni de justice correspond au refus d’une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires.

Il constitue une atteinte à un droit fondamental et, s’appréciant sous l’angle d’un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle, il englobe, par extension, tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu, qui comprend celui de répondre sans délai anormalement long aux requêtes des justiciables, conformément aux stipulations de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme[4].

Le déni de justice s’entend non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en l’état d’être jugées mais aussi plus largement, comme tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable.

Le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l’Etat à son devoir de permettre à toute personne d’accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s’apprécie in concreto, à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes[5].

Par ailleurs, la faute lourde est définie comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi[6]

Comment est appréciée la durée de la Justice sociale ?

Aux termes de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement dans un délai raisonnable.

Aux termes de l’article L. 111-3 du code de l’organisation judiciaire, les décisions de justice sont rendues dans un délai raisonnable. L’article préliminaire du code de procédure pénale dispose qu’il doit être définitivement statué sur l’accusation dont toute personne fait l’objet dans un délai raisonnable.

L’appréciation du délai d’une procédure se fait notamment au regard des éléments intrinsèques de la procédure, tels que la complexité de l’affaire, l’ensemble des diligences et des investigations réalisées par les autorités compétentes, le comportement des parties et le nombre de protagonistes.

L’appréciation d’un allongement excessif du délai de réponse judiciaire, susceptible d’être assimilé à un refus de juger et, partant, à un déni de justice engageant la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, s’effectue de manière concrète, au regard des circonstances propres à chaque procédure, en prenant en considération les conditions de déroulement de la procédure, la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement des parties en cause, ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir pour l’une ou l’autre des parties, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige, et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu’il soit tranché rapidement[7].

Il n’y a pas lieu d’examiner la durée de la procédure dans son ensemble, mais d’examiner à chaque étape si des délais excessifs ont été exposés, en s’attachant tout particulièrement à déterminer si des périodes de carence ont existé[8].

Le délai de la procédure prud’homale doit être apprécié selon les étapes de celle-ci et non pas globalement[9].

Le seul dépassement du délai d’un mois prévu à l’article L.515-3 du code du travail, qui est prévu sans être assorti d’aucune sanction, ne saurait constituer un déni de justice[10].

Quels sont les délais excessifs de la Justice sociale ?

Lorsque l’essentiel des ressources d’une personne est constitué d’une pension au titre de l’invalidité, les litiges qui tendent à une amélioration de celle-ci au vu de la dégradation de son état de son état de santé ont des enjeux particuliers pour cette personne, justifiant une diligence particulière de la part du service public de la justice[11].

Le délai séparant la saisine du pôle social du Tribunal de la première audience est excessif à hauteur de 16 mois[12]

Le délai s’est écoulé entre l’audience devant la formation paritaire de jugement et le délibéré après deux prorogations successives imputables à la formation de jugement, est déraisonnable à raison de 4 mois s’agissant d’une procédure de référé[13].

La durée entre la date de la décision ayant prononcé le renvoi de l’affaire en départage et l’audiencement de l’affaire est excessive à hauteur de 19 mois en tenant compte de ce qu’il s’agit d’un référé[14].

Est excessif au-delà de 6 mois le délai qui s’est écoulé entre l’audience de conciliation du 21 avril 2016 et celle devant le bureau de jugement[15].

Le délai de plus de 13 mois entre la déclaration d’appel et l’audience est excessif[16].

Quels sont les dommages et intérêts de la Justice Sociale trop lente ?

Le requérant doit démontrer l’existence d’un préjudice direct, certain et personnel, en lien de causalité avec le déni de justice ou la faute lourde.

Il en résulte que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée qu’à condition que soit établie l’existence d’une faute lourde ou d’un déni de justice imputable au fonctionnement défectueux du service public de la justice, ayant causé à l’usager un préjudice direct, certain et personnel[17].

Le préjudice moral réparable, lié au stress et aux tracas de la procédure, est caractérisé par la durée excessive de procédure

4 800 € de dommages et intérêts pour un délai de 19 mois séparant la saisine du pôle social du Tribunal Judiciaire de la première audience excessif à hauteur de 16 mois[18]

[1] Tribunal administratif de Paris 9 août 2024 / n° 2406765

[2] Tribunal administratif de Marseille 16 juillet 2024 / n° 2406788

[3] Tribunal administratif de Toulouse 12 juillet 2024 / n° 2404121

[4] Civ. 1re 18 mars 2020, 19-10.453

[5] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 21 mai 2024 / n° 21/04599

[6] Ass. plén. 23 févr. 2001, bull. A.P. n° 5

[7] Cour d’appel de Douai – TROISIEME CHAMBRE 16 mai 2024 / n° 23/01118

[8] Tribunal judiciaire de Paris – 1/1/1 resp profess du drt 3 juillet 2024 / n° 21/15890

[9] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 21 mai 2024 / n° 21/04599

[10] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 21 mai 2024 / n° 21/04599

[11] CEDH, Mocié c.France, n°46096/99, §22

Tribunal judiciaire de Paris – 1/1/1 resp profess du drt 10 janvier 2024 / n° 22/08617

[12] Tribunal judiciaire de Paris – 1/1/1 resp profess du drt 19 juin 2024 / n° 22/02311

[13] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 21 mai 2024 / n° 21/04599

[14] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 21 mai 2024 / n° 21/04599

[15] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 23 janvier 2024 / n° 20/18637

[16] Cour d’appel de Paris – Pôle 4 – Chambre 13 23 janvier 2024 / n° 20/18637

[17] Cour d’appel de Douai – TROISIEME CHAMBRE 16 mai 2024 / n° 23/01118

[18] Tribunal judiciaire de Paris – 1/1/1 resp profess du drt 19 juin 2024 / n° 22/02311

 




Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D’UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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