La simple lecture par un salarié d’une lettre de son employeur peut lui provoquer un accident du travail
Succès de Maître Eric ROCHEBLAVE à faire reconnaître que « les termes abrupts » d’une lettre d’un employeur sont « de natures à légitiment impressionner un salarié » et « de provoquer chez le salarié à la réception de la lettre de l’employeur un syndrome dépressif réactionnel et de le plonger ensuite dans une dépression nerveuse sévère l’ayant conduit à un traitement médicamenteux, un suivi psychiatrique et psychologique ainsi qu’à une hospitalisation » puis à son inaptitude. « Dès lors, l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle avait été constatée ou invoquée, avait, au moins partiellement, pour origine cet accident et l’employeur en avait connaissance au moment du licenciement. Les dispositions protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail s’appliquaient bien ».
C’est ce qu'a jugé la Cour d’appel de Montpellier dans sa décision du 20 décembre 2017 (RG 13/09327, Arrêt n° 1556)
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Le litige a été tranché par la Cour d’appel de Montpellier, conformément aux dispositions des articles L 1226-6 et suivants, D. 4624-1 et suivants, R. 4624-21 et suivants du code du travail dans leur rédaction alors applicable au moment des faits (février 2012). Ensuite, conformément au principe d’autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale, le juge prud’homal a recherché si l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, avait au moins partiellement pour origine un accident du travail et si l’employeur en avait connaissance au moment du licenciement.
Le 20 février 2012, Monsieur Y… a adressé à son employeur une réclamation sur un rappel de primes d’un montant de 16.440,50 Euros
Le 24 février 2012, l’employeur a répondu au salarié que sa demande n’était pas justifiée en concluant sa lettre dans les termes suivants exactement repris :
« quant à vos prétentions, elles ne sont pas acceptables et éloignées de toute réalité. Par conséquent, nous vous indiquons que nous n’entendons pas y donner suite, et que nous prendrons nos responsabilités quant à la suite de nos relations contractuelles, et ce dans un seul et unique but, l’intérêt de l’entreprise »
A compter du 3 mars 2012, le salarié a été en arrêt de travail jusqu’au 11 mars 2012, cet arrêt étant pris au titre d’un accident du travail déclaré par le salarié au motif selon lui d’un syndrome réactionnel à la réception de la lettre du24 février 2012 de son employeur. L’arrêt de travail a fait l’objet de plusieurs prolongations jusqu’au 21 mai2012.
Dès lors que l’employeur se trouve à l’origine, par son manquement fautif, de l’inaptitude du salarié et qu’au surplus, il n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Le 22 mai 2012, le médecin du travail a déclaré le salarié “inapte temporaire à la reprise” et a demandé à le revoir le 7 juin 2012. Le salarié a alors bénéficié d’une prolongation de son arrêt de travail jusqu’au 6 juin 2012.
Le 7 juin 2012, le médecin du travail a déclaré le salarié “inapte définitif à son poste de travail. Visite au titre de l’article R 4624 du code du travail. Etude de poste des conditions de travail le 30-05-2012. En raison des capacités médicales restant inapte à tous postes existants dans l’entreprise à ce jour.”
Sur les deux fiches du 22 mai 2012 et du 7 juin 2012, le médecin du travail a coché la case “après accident du travail”. En outre, le 7 juin 2012, le médecin du travail a délivré au salarié, ce dont l’employeur avait été également informé, une attestation aux termes de laquelle il certifiait avoir “établi le 7 juin 2012 un avis d’inaptitude (…) susceptible d’être en lien avec l’accident du travail ou la maladie professionnelle en date du 03 03 2012”
Le 11 juin 2012, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault, a notifié à l’employeur sa décision de ne pas reconnaître le caractère professionnel de l’accident déclaré par le salarié le 3 mars 2012. Cette décision énonce notamment “il n’existe pas de preuve que l’accident invoqué se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur. Or, il incombe à la victime ou à ses ayants-droits d’établir les circonstances de l’accident autrement que par leurs propres affirmations.”
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 29 juin 2012 et du 16 juillet 2012 l’employeur a informé le salarié successivement de ce que la délégation unique du personnel serait consultée, le 12 juillet 2012, sur son reclassement et ensuite que ce reclassement était impossible.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 juillet 2012, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement et par lettre du 31 juillet 2012, l’employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant son licenciement, invoquant une discrimination et réclamant diverses sommes tant de nature salariale qu’indemnitaire, le salarié a saisi, le 29 novembre 2012, le Conseil de Prud’hommes de Sète lequel, par jugement de départage du 25 novembre 2013, l’a débouté de ses demandes.
C’est le jugement dont Monsieur Y… a interjeté appel.
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La Cour d’appel de Montpellier a jugé :
« indépendamment du pouvoir de l’employeur d’apprécier le bienfondé de la réclamation de son salarié, il n’en demeure pas moins que les termes abrupts ci-dessus repris étaient de nature à légitiment impressionner le salarié puisque l’employeur indiquait, à mots à peine couverts, que la persistance du salarié dans sa réclamation pourrait conduire l’employeur à remettre en cause la poursuite de Ia relation de travail donc à rompre le contrat de travail, cette rupture ayant d’ailleurs déjà été évoquée précédemment pour les mêmes motifs; »
« cette menace proférée par l’employeur, en réponse à ce qui n’était de la part du salarié que l’exercice d’un droit et alors au surplus que cette réclamation était parfaitement fondée comme il sera dit plus loin, avait eu pour conséquence, le 3 mars 2012, ce qui avait été constaté médicalement tant par l’arrêt de travail initial que par les autres éléments médicaux apportés par le salarié, de provoquer chez le salarié à la réception de la lettre de l’employeur un syndrome réactionnel et de le plonger ensuite dans une dépression nerveuse sévère l’ayant conduit à un traitement médicamenteux, un suivi psychiatrique et psychologique ainsi qu’à une hospitalisation »
« ces événements avaient eu lieu au temps du travail en lien direct avec celui-ci. Ils s’étaient déroulés dans une période de temps rapproché et immédiate de sorte qu’ils étaient incontestablement liés entre eux ; »
« l’arrêt de travail du 3 mars 2012 et ses prolongations successives, dont aucune n’avait été interrompue par une reprise du travail, et les fiches d’inaptitude délivrées par le médecin du travail avaient tous mentionné l’existence d’un accident du travail, ce dont l’employeur avait été informé comme le prouvent les multiples correspondances échangées. »
« le médecin du travail dans son attestation du 7 juin 2012 avait certifié, ce dont l’employeur avait été également informé, avoir “établi le 7 juin 2012 un avis d’inaptitude (…) susceptible d’être en lien avec l ‘accident du travail ou la maladie professionnelle en date du 03 03 2012 “. Si le médecin du travail n’était pas compétent pour statuer sur l’origine professionnelle de l’accident, pour autant la cour ne saurait ignorer l’avis de ce praticien qui est d’abord un professionnel de la santé au travail et qui, après une étude de poste et des conditions de travail effectuée le 31 mai 2012, n’avait pas écarté, en parfaite connaissance de cause de la situation, que l’inaptitude soit la conséquence de l’arrêt de travail du 3 mars 2012 ; »
« l’arrêt de travail du 3 mars 2012 avait été déclaré en tant qu’ accident du travail . Certes, la caisse primaire lui avait notifié le 11 juin 2012 1:111e décision de non reconnaissance. Toutefois, l’employeur, qui appartient à un groupe et dont il ne saurait être contesté qu’il dispose d’un service des ressources humaines susceptible de l’éclairer à tout moment sur
de telles questions, ne pouvait pas ignorer que faute par la caisse primaire d’avoir statué dans le délai de 30 jours de la réception par elle de la déclaration et de l’arrêt de travail du 3 mars 2012, la conséquence en était la reconnaissance implicite du caractère professionnel du 3 mars 2012 et que le rejet notifié le 11 juin 2012 était inopérant ce que la commission de recours amiable reconnaîtra ultérieurement le 11 juillet 2013. »
« le 12 juillet 2012, l’employeur avait consulté la délégation unique du personnel; »
« l’employeur n’avait exercé aucun recours à l’encontre des avis du médecin du travail; »
« Il suit de tous ces éléments, lesquels se complètent et sont donc cohérents entre eux, que les termes menaçants de l’employeur ci-dessus repris dans sa lettre du 24 février 2012 avaient pu légitimement impressionner le salarié lequel avait été victime, le 3 mars 2012, d’un syndrome dépressif réactionnel et d’une dépression sévère ayant conduit le médecin du travail à le déclarer, le 7 juin 2012, définitivement inapte. Dès lors, l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est avait été constatée ou invoquée, avait, au moins partiellement, pour origine cet accident et l’employeur, qui avait été destinataire de tous les éléments évoqués plus haut, en avait connaissance au moment du licenciement. Les dispositions protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail s’appliquaient bien à Monsieur Y… puisqu’il avait été victime, le 3 mars 2012, d’un accident du travail. »
Dès lors que l’employeur se trouve à l’origine, par son manquement fautif, de l’inaptitude du salarié et qu’au surplus, il n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la Cour d’Appel de Montpellier a condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de :
48.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
11.764,98 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
1.176,49 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
1275 € au titre du solde restant dû sur l’indemnité spéciale de licenciement
17.040 € au titre de la marge contributive de l’année 2011
1.704 € au titre des congés payés s’y rapportant
1.925,50 € au titre du solde de la prime volume, la prime qualité et la prime financement
192,55 € au titre des congés payés s’y rapportant
2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’employeur a, de surcroit, été condamné à rembourser à Pôle-Emploi les indemnités chômages versées au salarié, et ce dans la limite de trois mois de versement.
Cour d’Appel de Montpellier, 20 décembre 2017 RG 13/09327, Arrêt n° 1556
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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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