Lettre d’observations de l’URSSAF : vos droits sont-ils respectés ?

Les formalités de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale (envoi d’une lettre d’observations, réponse de l’inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de la personne contrôlée, délai imparti à l’organisme avant la mise en recouvrement des cotisations, majorations et pénalités faisant l’objet du redressement), destinées à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, sont qualifiées de ‘substantielles’ par la jurisprudence[1] et leur omission entraîne la nullité tant des opérations de contrôle et de redressement que de la procédure subséquente[2].

La Cour de cassation juge de manière constante que les mentions requises par l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale sont des formalités substantielles de la procédure de contrôle et dont le manquement entraîne la nullité des opérations de contrôle.

La lettre d’observations doit comporter la nature du redressement envisagé, le contenu et les modalités d’application des textes invoqués, les assiettes et le montant de ce redressement par année[3].

Il est constant que les mentions de la lettre d’observations doivent permettre au redevable de connaître les causes, les périodes, les bases ainsi que le montant des redressements opérés[4].

Répondent aux exigences de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les observations adressées à la société par l’inspecteur du recouvrement dès lors qu’elles contiennent les mentions obligatoires relatives à l’objet du contrôle et à la période vérifiée et à la fin du contrôle, qu’elles précisent la nature de chaque chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d’application des textes législatifs et réglementaires invoqués ou la jurisprudence applicable, les assiettes et le montant de chaque chef de redressement par année ainsi que les taux de cotisation appliqués.

Cet article n’implique pas la communication intégrale à l’employeur du rapport de contrôle de l’inspecteur avec toutes ses annexes, mais fait seulement obligation à ce dernier de présenter ses observations avec les bases de redressement proposées, en vue de provoquer les explications du redevable.

Les inspecteurs du recouvrement n’ont en outre pas à joindre, dans leurs observations, une liste nominative des salariés concernés, à la condition que l’employeur puisse avoir une connaissance des causes du redressement qui lui permette de faire valoir ses observations, ni le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement[5].

 




 

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La lettre d’observations de l’URSSAF doit mentionner les assiettes et le mode de calcul du redressement

Il est constant qu’en application de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, « les observations […] comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l’indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés. »

Il résulte des articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail que les dispositions de ce texte sont applicables à la lettre d’observations adressée au donneur d’ordre pour la mise en œuvre de sa solidarité financière[6].

Selon une jurisprudence constante, les formalités de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale sont substantielles en ce qu’elles sont destinées à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, et leur omission entraîne la nullité tant des opérations de contrôle et de redressement que de la procédure subséquente[7].

Notamment, la lettre d’observations doit préciser le mode de calcul des cotisations réclamées.

Selon la jurisprudence, l’indication du mode de calcul des redressements envisagés ressort suffisamment des précisions sur les assiettes et les montants année par année ainsi que les taux de cotisation appliqués.

La lettre d’observations n’est cependant pas tenue de comporter tous les détails du calcul du redressement envisagé.

Dans une espèce, le Tribunal Judiciaire de la Réunion a relevé que[8] :

« la lettre d’observations ne mentionne, ni les assiettes ni le mode de calcul du redressement – seules les sommes globales retenues à l’encontre du débiteur principal au titre des cotisations et contributions éludées, des majorations de redressement et d’annulation des réductions ou exonérations sur la période de janvier 2015 à février 2019, sans aucune ventilation, et le chiffrage des cotisations éludées et de majorations de redressement mises à la charge du garant solidaire concernant le seul mois de février 2019, étant indiqués.

Il doit donc être retenu que la lettre d’observations ne répond pas aux conditions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. 

Par suite, la lettre d’observations sera annulée, et de façon subséquente la mise en demeure décernée dans ses suites, qui se trouve dès lors sans cause. »

 




 

Les constats réalisés par l’inspecteur dans lettre d’observations de l’URSSAF ne doivent pas être rédigés dans des termes très généraux sans qu’aucune référence ne soit faite aux pièces fondant ces constats

Le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a jugé[9] :

« Dans le corps de la lettre d’observation, les paragraphes consacrés aux constats réalisés par l’inspecteur chargé du recouvrement sont rédigés dans des termes très généraux sans qu’aucune référence ne soit faite aux pièces fondant ces constats.

Dans ces conditions, il apparaît que la lettre d’observations fondant le redressement litigieux ne respecte pas les prescriptions de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale en ce qu’elle ne précise pas les documents consultés. Elle sera en conséquence annulée. »

  

 




 

La lettre d’observations de l’URSSAF doit mentionner l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement

 

L’article R. 243-59 dispose que « A l’issue du contrôle (..), les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux ou par d’autres agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci ».

Il en résulte que la lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement.

La liste des documents consultés doit être complète et précise.

 La Cour d’appel de Caen a jugé[10] :

 « En l’espèce, la société sollicite la nullité de la lettre d’observations au motif qu’elle doit mentionner les documents consultés. Elle affirme qu’une ‘cour d’appel ne peut rejeter la demande d’annulation de la procédure de contrôle alors qu’elle a relevé que la liste des documents mentionnés dans la lettre d’observations était incomplète et imprécise’.

Elle indique que les annexes qui comportent différentes pièces sont incompréhensibles et ne correspondent pas aux ‘libellés figurant dans la lettre d’observations’.

L’Urssaf rétorque que la société a reçu les annexes des chefs de redressement en même temps que la lettre d’observations. Elle renvoie notamment à sa pièce n° 12 intitulée :

‘Annexe à la lettre d’observations :

Année 2015

Année 2016

Année 2017′.

On relèvera que les annexes sont constituées de tableaux de calcul des chefs de redressement (pièces n° 34 à 41 de la société, pièce n° 12 de l’Urssaf).

Après avoir rappelé l’objet du contrôle, la période vérifiée et la date de fin de contrôle, la lettre d’observations indique :

‘LISTE DES DOCUMENTS CONSULTES POUR CE COMPTE

Extrait Kbis

Statuts

PV des Assemblées générales

DADS-U

Tableaux récapitulatifs

Etat de paie collectifs

Bulletins de salaire

Litiges prud’homaux

Dossiers de licenciement

Dossiers de rupture conventionnelle

Grand Livre

Balance générale

Des pièces comptables

Registre unique du personnel

Des justificatifs des frais professionnels

Contrats de prévoyance complémentaire et/ou mutuelle’.

Cette liste de pièces précise donc uniquement la nature des documents consultés, par exemple : ‘bulletins de paie’ ou ‘litiges prud’homaux’ ou encore ‘dossiers de licenciement’.

Ainsi, à l’exception de l’extrait Kbis, des statuts, du registre unique du personnel, qui constituent des pièces identifiables, les autres documents ne peuvent être précisément identifiés.

On ignore ainsi à quels tableaux récapitulatifs, quels états de paie collectifs, quels bulletins de salaire, quels litiges prud’homaux, quels dossiers de licenciement et quels dossiers de rupture conventionnelle, il est fait référence.

Il en est de même des pièces comptables, des justificatifs de frais professionnels ou encore des contrats de prévoyance complémentaire et/ou mutuelle.

En l’absence de précisions relativement à la date des PV des assemblées générales, du Grand Livre ou de la Balance générale, il n’est pas possible d’identifier précisément les documents visés.

La liste des pièces mentionnée en page 2 est trop imprécise pour justifier du respect de l’obligation de mentionner dans la lettre d’observations, ‘le ou les documents consultés’ comme l’impose l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

On relèvera qu’immédiatement après cette liste des pièces, la lettre d’observations vise ensuite distinctement chaque chef de redressement.

Or, à l’exception des chefs n° 13 et 16, pour lesquels la lettre d’observations renvoie à des pièces précises : ‘étude de la comptabilité (compte 64581 Mutuelle [5])’ au titre du chef n° 13 et ‘étude de la comptabilité , compte 6712’ au titre du chef n° 16, les autres chefs ne visent aucun document précisément identifiable.

Pour les chefs n° 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 18 et 19, la lettre d’observations ne vise aucune pièce en particulier et ne renvoie à aucune annexe.

Pour le chef n° 9, la lettre d’observations renvoie aux ‘documents sociaux’ sans plus de précisions, ce qui ne permet pas d’identifier précisément les documents consultés.

Pour le chef n° 10, la lettre d’observations renvoie à des ‘bulletins de salaire’ sans plus de précisions. Il est indiqué en outre : ‘vous trouverez ci-joint le détail des salariés concernés chaque mois, sur les 3 années’. Ce renvoi ne permet pas en lui même d’identifier les pièces consultées pour ce chef de redressement, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Pour le chef n° 11, la lettre d’observations renvoie aux ‘documents sociaux’ sans plus de précisions ce qui ne permet pas d’identifier précisément les documents consultés. Il est indiqué en outre : ‘vous trouverez en annexe jointe le détail des bases retenues par salarié’. Ce renvoi ne permet pas d’identifier les pièces consultés pour ce chef de redressement, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Pour le chef n° 12, la lettre d’observations indique seulement ‘il a été constaté que des salariés percevaient des primes de chiens’ sans précisions sur le ou les documents ayant permis ce constat. Il est en outre renvoyé à une annexe pour le calcul du redressement : ‘vous trouverez ci-joint le détail des régularisations ..’. Ce renvoi ne permet pas de déterminer sur le fondement de quel(s) document(s) les primes de chiens ont été évaluées.

Pour le chef n° 17, il est seulement indiqué : ‘il a été constaté à l’étude de la comptabilité ..’ sans plus de précisions sur la pièce ou les pièces comptables qui ont été consultées pour établir ce constat.

Pour les chefs n° 3, 14, 15, la lettre d’observations ne vise aucune pièce, mais renvoie à des annexes dans les termes suivants :

– chef n° 3 : ‘vous trouverez en annexe le détail des régularisations par salarié et par année’

– chef n° 14 : ‘un nouveau calcul a donc été effectué (…) vous en trouverez le détail en annexe’

– chef n° 15 : ‘vous trouverez le détail en annexe’.

Ces différents renvois ne permettent pas d’identifier les pièces sur lesquelles l’agent de contrôle s’est fondé, étant rappelé que les annexes sont constituées de tableaux de calcul.

Il résulte de ces éléments que la lettre d’observations ne mentionne pas précisément le ou les documents consultés à l’exception des documents ayant servi à établir les chefs n° 13 et n° 16 dont les montants respectifs s’élèvent à 492 euros et 62 euros.

La société s’est donc trouvée dans l’impossibilité de discuter la portée ou la valeur probante des documents ayant fondé les autres chefs qui représentent la quasi totalité du redressement.

Contrairement à ce qu’affirme l’Urssaf, il résulte du courrier du 4 janvier 2019 et du recours de la société du 11 juin 2019, qu’elle a contesté dès le début de la période contradictoire puis lors de la saisine de la commission de recours amiable, la régularité de la lettre d’observations. Aux termes de ce recours, elle indique en effet : ‘en l’état, la lettre d’observations est irrégulière’, peu importe qu’elle se réfère à des motifs de nullité différents de celui afférent à la mention dans la lettre d’observation des documents consultés par l’agent de contrôle.

Compte tenu de ces observations, la société est bien fondée à invoquer la nullité de la lettre d’observations et par voie de conséquence, l’irrégularité de l’ensemble du redressement consécutif dont la mise en demeure. »

 

 

 

[1] Cass. Soc., 6 février 1997, n° 95-13.685

Cass. 2ième Civ., 3 avril 2003, n° 01-21.127 , 14 octobre 2003, n °02-30.429, 6 avril 2004, n°02-30.863, 3 avril 2014, n°13-11.516.

[2] Cour d’appel de Bordeaux – CHAMBRE SOCIALE SECTION B 21 mars 2024 / n° 22/01463

[3] Cour d’appel d’Amiens – 2EME PROTECTION SOCIALE 7 décembre 2023 / n° 21/01253

[4] Cour d’appel de Caen – 2ème chambre sociale 27 juin 2024 / n° 22/02302

[5] Cass. Civ. 2ème, 25 juin 2009, n 08-14.981

Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 13 8 mars 2024 / n° 20/02106

[6] Cass. 2e Civ., 6 juin 2024, n° 22-16.180

[7] Cass. 2e Civ., 3 avril 2014, n°13-11.516

[8] Tribunal judiciaire de La Réunion – CTX PROTECTION SOCIALE 21 août 2024 / n° 23/00024

[9] Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse – CTX PROTECTION SOCIALE 8 juillet 2024 / n° 18/00439

[10] Cour d’appel de Caen – 2ème chambre sociale 27 juin 2024 / n° 22/02302

 

 

 

 




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Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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