Des majorations URSSAF peuvent-elles être considérées disproportionnées ?

Toutes les majorations URSSAF se valent-elles ? Non, et certaines peuvent même être considérées comme disproportionnées. En effet, lorsque l’organisme de recouvrement applique des majorations de retard ayant le caractère d’une sanction, celles-ci doivent respecter le principe de proportionnalité.

Quelles majorations URSSAF peuvent être considérées comme disproportionnées ?

Les majorations URSSAF ayant un caractère de sanction doivent respecter le principe de proportionnalité.
👉 Une majoration est disproportionnée si elle constitue une punition excessive au regard de la gravité de l’infraction reprochée au cotisant.

Le juge doit vérifier l’adéquation entre la sanction et les faits. En l’absence de cette appréciation, la décision peut être annulée.

 




 

Une sanction URSSAF doit être proportionnée à la gravité de l’infraction

La Cour de cassation a récemment affirmé un principe fondamental : une sanction financière ne peut être prononcée sans tenir compte de la gravité de l’infraction commise. Ce principe découle de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui impose un contrôle juridictionnel sur toute mesure ayant un caractère punitif.

Ainsi, lorsque le cotisant conteste une décision de l’URSSAF ayant refusé une remise gracieuse, il appartient au juge de vérifier que la majoration infligée est adaptée aux circonstances de l’affaire, et ne constitue pas une sanction excessive ou automatique.

Ce que garantit l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme

Aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Demande de remise gracieuse et article R. 243-20 du Code de la sécurité sociale

Selon l’article R. 243-20 du code de la sécurité sociale,

« Les cotisants peuvent formuler une demande gracieuse en remise totale ou partielle des majorations et pénalités mentionnées au 1° de l'article R. 243-19. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations et contributions ayant donné lieu à application des majorations ou lorsque le cotisant a souscrit un plan d'apurement avec l'organisme de recouvrement dont il relève. Dans ce dernier cas, la décision accordant une remise peut être prise avant le paiement desdites cotisations et contributions, cette remise n'est toutefois acquise que sous réserve du respect du plan.

Néanmoins, la majoration mentionnée au deuxième alinéa de l'article R. 243-16 ne peut faire l'objet d'une remise que lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou à titre exceptionnel, en cas d'événements présentant un caractère irrésistible et extérieur.

Il ne peut pas être accordé de remise des majorations et des pénalités mentionnées au 2° de l'article R. 243-19.

Le directeur de l'organisme de recouvrement est compétent pour statuer sur les demandes portant sur des montants inférieurs à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. A partir de ce seuil, il est statué sur proposition du directeur par la commission de recours amiable. L'arrêté mentionné au présent alinéa peut fixer un seuil spécifique pour les travailleurs indépendants.

Les décisions tant du directeur que de la commission de recours amiable sont motivées. »

La nature civile des majorations selon la Cour de cassation

La Cour de cassation juge[1], sur le fondement de l'article 6, § 1, de la Convention, que les majorations de retard, qui constituent, au même titre que les cotisations, des ressources des organismes sociaux, ont la même nature que celles-ci, et que les contestations relatives aux cotisations de sécurité sociale portent sur des droits et obligations à caractère civil au sens de ce texte, ce dont il résulte que le pouvoir de contrôle des juridictions judiciaires répond aux exigences de ce texte, dès lors qu'il s'exerce sur la régularité de la procédure, sur la matérialité des faits et sur l'application des lois servant de fondement à la décision litigieuse.

Une sanction URSSAF peut-elle être punitive au regard du droit ?

S'inscrivant dans la logique de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme[2], le Conseil constitutionnel a jugé[3] qu'en punissant d'une majoration de la contribution due au titre de l'année le manquement à des obligations destinées à assurer l'établissement de cette contribution, le législateur a instauré une sanction à caractère de punition.

Il convient, dès lors, de réexaminer la jurisprudence énoncée, en tant qu'elle ne distingue pas, parmi les majorations de retard, celles qui, assimilables à des intérêts appliqués en cas de versement tardif des cotisations, tendent à la réparation pécuniaire d'un préjudice, de celles susceptibles de recevoir la qualification de sanction à caractère de punition.

Le juge doit apprécier l’adéquation de la majoration à l’infraction

Ces considérations conduisent la Cour à juger désormais que le cotisant, auquel sont appliquées par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales, des majorations de retard constituant des sanctions présentant le caractère de punition, doit bénéficier des garanties résultant de l'article 6, § 1, susvisé.

 En conséquence, dès lors qu'elle est régulièrement saisie d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse de telles majorations, présentée selon la procédure prévue à l'article R. 243-20 susvisé, il appartient à la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation de la sanction, prononcée par l'organisme de recouvrement, à la gravité de l'infraction commise.

Quelles majorations URSSAF relèvent d’une logique punitive ?

Les majorations de retard dues à l'organisme de recouvrement présentent le caractère d'une punition lorsqu'elles tendent à réprimer et à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent. Tel est le cas, notamment, lorsqu'elles tendent à réprimer le comportement des personnes qui ont méconnu leurs obligations déclaratives en matière de cotisations et contributions sociales et n'ont pas pour seule finalité de réparer le préjudice subi par l'organisme chargé du recouvrement du fait du paiement tardif de ces sommes.

Sanction ou intérêt de retard : une distinction essentielle

La majoration fixée dans la limite de 10 % du montant de la contribution mise à la charge de la société cotisante ou résultant de la déclaration produite tardivement, prévue par l'article L. 137-36, I, susvisé, constitue une sanction financière qui a pour but de prévenir et de réprimer les manquements des cotisants à leurs obligations déclaratives dont le respect est nécessaire à la liquidation de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. Elle revêt, dès lors, la nature d'une sanction ayant un caractère de punition.

En revanche, la majoration fixée dans la limite de 10 % appliquée de plein droit à la contribution sociale de solidarité qui n'a pas été acquittée aux dates limites de versement de la contribution, prévue par l'article L. 137-37 susvisé, a pour objet la compensation du préjudice subi par l'organisme de recouvrement du fait du paiement tardif de la contribution par le paiement d'intérêts de retard forfaitaires, et ne revêt donc pas le caractère d'une punition.

Appréciation du juge : un devoir juridictionnel

La Cour de cassation a jugé[4] :

« Pour rejeter le recours de la société cotisante, le jugement retient que les difficultés organisationnelles en lien avec les mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, ne constituent pas un élément extérieur et irrésistible et que l'importance et la portée de ces difficultés ne sont pas démontrées par la société cotisante, qui ne justifie pas non plus en avoir informé en temps utile l'organisme de recouvrement. Il ajoute que ces contraintes n'ont pas eu d'incidence significative sur une contribution dont l'assiette était antérieurement connue ou déterminable tout comme la date d'échéance des obligations déclarative et de paiement au surplus dématérialisées.

 En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier l'adéquation de la majoration, prononcée par l'organisme de recouvrement, pour défaut de production de la déclaration de son chiffre d'affaires dans les délais prescrits par la société redevable de la contribution litigieuse, à la gravité de l'infraction commise par la société cotisante, le tribunal a violé les textes susvisés. »

 

 

[1] Cass. Soc., 23 mai 2002, pourvoi n° 00-12.309

Cass. 2e Civ., 24 mai 2005, pourvoi n° 03-30.634

[2] CEDH, arrêt du 23 novembre 2006 [GC], aff. Jussila c. Finlande, n° 73053/01

[3] décision n° 2018-736 QPC du 5 octobre 2018

[4] Cour de cassation - Deuxième chambre civile 10 avril 2025 / n° 22-22.815

 

 




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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