Discordance entre la lettre d’observations et la mise en demeure : vous pouvez échapper à un redressement URSSAF

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L’article L 244-2 du Code de la Sécurité Sociale dispose :

« Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l’employeur ou le travailleur indépendant.

Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »

 

L’article R 244-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose :

« L’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement est établi en application des dispositions de l’article L. 243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d’observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l’agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d’observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l’agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l’article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.

Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant qui fait l’objet de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2 saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l’article R. 155-4, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-8-1 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif. »

 




Il résulte de ces textes que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

Il résulte en outre de ces dispositions que si la mise en demeure intervient à l’issue d’une procédure de contrôle comptable d’assiette, elle peut renvoyer à la lettre d’observations ainsi qu’au dernier échange entre le cotisant et l’inspecteur du recouvrement.

La mise en demeure doit alors, à peine de nullité, corroborer ces documents quant à la justification des cotisations et des majorations de retard réclamées.

Le Tribunal Judiciaire de Paris a jugé[1] :

« la société [A] soulève la nullité de la mise en demeure du 5 juillet 2021, annulant et remplaçant celle du 22 juin 2021, se prévalant de la discordance entre la lettre d’observations et la mise en demeure.

A titre liminaire, il n’est pas contesté par l’URSSAF que le moyen tiré de la nullité de la mise en demeure peut être soulevé pour la première fois devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, dès lors que la commission de recours amiable a été préalablement saisie d’une contestation contre la décision de redressement, ce qui est le cas en l’espèce.

En premier lieu, il convient de rappeler que la mise en demeure du 5 juillet 2021 a annulé et remplacé la mise en demeure du 22 juin 2021, car l’URSSAF avait omis de mentionner la référence et la date de la lettre d’observations ainsi que le dernier courrier établi par l’agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l’article R. 243-59, ce qui est une formalité substantielle pour la validité de la mise en demeure conformément à l’alinéa 2 de l’article R 244-1 précité.

Concernant la mise en demeure du 5 juillet 2021, force est de constater qu’elle réclame à la société [A] la somme de 400.545 euros de majorations de retard, et ce en contradiction avec la lettre d’observations du 9 mars 2021 qui précisait dans sa conclusion que « en application de l’article R 243-17 du code de la sécurité sociale, vous bénéficiez du droit à l’erreur et par conséquent, les majorations de retard initiales ne vous seront pas appliquées. »

A cet égard, il convient de remarquer que la mise en demeure du 5 juillet 2021 ne précise pas la distinction entre majorations de retard initiales et majorations de retard complémentaires, ce qui pouvait laisser penser à la société [A] que la somme de 400.545 euros correspondait uniquement et en intégralité à des majorations de retard complémentaires, puisque l’agent du recouvrement de l’URSSAF s’était engagé, dans la lettre d’observations, à ne pas appliquer de majorations de retard initiales.

Or la commission de recours amiable, dans sa décision du 7 mars 2022, explicite pour la première fois la nature des majorations de retard réclamées par la mise en demeure, en page 4 et 5 de la décision : la mise en demeure du 22 juin 2021 et celle du 5 juillet 2021 font état de majorations de retard pour un montant total de 400.545 euros soit 151.737 euros au titre des majorations de retard initiales, et 248.808 euros au titre des majorations de retard complémentaires.

Certes, les modalités de calcul des deux types de majorations de retard sont explicitées dans cette décision de la commission de recours amiable qui est intervenue neuf mois après l’émission de la mise en demeure.

Toutefois, contrairement aux allégations de l’URSSAF, la « régularisation » effectuée par la commission de recours amiable ne peut faire obstacle à l’examen de la validité de la mise en demeure du 5 juillet 2021, qui doit s’apprécier à la date de son émission.

Or, à la lecture des pièces versées aux débats, force est de constater que :

La mise en demeure du 5 juillet 2021 a réclamé des majorations de retard initiales de manière indue – et à hauteur d’un montant qu’elle n’explicite nullement -, puisque la lettre d’observations du 9 mars 2021, confirmée par le dernier courrier de l’inspecteur en date du 7 juin 2021, avait expressément mentionné que « en application de l’article R 243-17 du code de la sécurité sociale, vous bénéficiez du droit à l’erreur et par conséquent, les majorations de retard initiales ne vous seront pas appliquées. » ;

La mise en demeure du 5 juillet 2021 a réclamé des majorations de retard complémentaires à hauteur de 248.808 euros de manière indue, puisqu’elle a privé la société cotisante de la possibilité de se prévaloir de l’alinéa 2 de l’article R 243-17 du Code de la Sécurité Sociale qui dispose que « la majoration complémentaire prévue au deuxième alinéa de l’article R 243-16 n’est décomptée qu’à partir du 1er février de l’année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations faisant suite au contrôle sont effectuées. Son taux est réduit à 0,1% en cas de paiement dans les trente jours suivant l’émission de la mise en demeure. »

Concernant ce dernier point, l’opacité de la mise en demeure du 5 juillet 2021 sur la nature des majorations de retard réclamées ne lui a pas permis de déceler une double erreur commise par l’organisme de recouvrement :

La réclamation de majorations de retard initiales en contradiction totale avec la lettre d’observations ;La réclamation de majorations de retard complémentaires d’emblée, sans attendre que s’écoule le délai de trente jours mentionné à l’article R 243-17 alinéa 2, ce qui a conduit l’URSSAF à appliquer un taux de 0,2 % de manière indue, puisque précisément la société a réglé l’intégralité du redressement dans les trente jours suivant la mise en demeure – le règlement est intervenu le 8 juillet 2021, et a été enregistré par l’agent comptable de l’URSSAF le 15 juillet 2021, de telle sorte qu’elle avait droit à ce que soit appliqué un taux de 0,1%, ce que la commission de recours amiable a reconnu.

Il résulte de ces éléments que la mise en demeure du 5 juillet 2021 n’apparaît pas conforme aux prescriptions des articles L 244-2 et R 244-1 du Code de la Sécurité Sociale, au regard de son imprécision totale concernant la nature des majorations de retard réclamées, des erreurs sous-jacentes de l’URSSAF qui n’ont pas pu être décelées par la société cotisante, et de sa contradiction indiscutable avec la lettre d’observations.

En outre, les corrections ultérieures opérées par la commission de recours amiable concernant les sommes réclamées au titre des majorations de retard, ne peuvent régulariser la validité de la mise en demeure qui est en l’espèce affectée par son manque de précision et par sa contradiction avec la lettre d’observations, lesquels doivent conduire à son annulation.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de forme et de fond soulevés par la société requérante, la mise en demeure du 5 juillet 2021 sera annulée, ainsi que le redressement qui en est l’objet, de telle sorte que l’URSSAF sera condamnée à rembourser à la société [4] la somme de 3.435.288 euros qui avait fait l’objet d’un paiement en date du 8 juillet 2021, la preuve du virement bancaire étant apportée par la pièce n°6 de la société requérante, non contestée.

A cet égard, à supposer que la lettre d’observations du 9 mars 2021 soit régulière, il convient de remarquer qu’une nouvelle mise en demeure ne pourrait être émise par l’URSSAF aux fins de recouvrement du redressement, les cotisations réclamées étant atteintes par la prescription depuis le 18 juillet 2021 concernant l’année 2017, ce qui ressort de l’analyse de la commission de recours amiable de l’URSSAF dans sa décision du 7 mars 2022, et depuis le 18 juillet 2022 concernant l’année 2018.

L’URSSAF sera donc déboutée de l’intégralité de ses demandes principales et de sa demande reconventionnelle. »

 

La Cour d’appel de Rennes a jugé[2] :

« En l’espèce, en totalisant, année par année les différents chefs de redressement, tels qu’ils ressortent de la lettre d’observations, dont les termes ont été en tous points maintenus en dépit des critiques de la société Saint Herblain Distribution, on obtient les montants suivants en cotisations:

– pour 2008 : 7.451 €

– pour 2009 : 84.029 €

– pour 2010 : 75.678 €

La mise en demeure fait injonction à la société Saint Herblain Distribution de payer les sommes suivantes, en cotisations :

– pour 2008 : 75.675 €

– pour 2009 : 84.030 €

– pour 2010 : 7.453 €

L’importante discordance entre la lettre d’observations et la mise en demeure, en ce qui concerne la ventilation de la dette entre les trois années contrôlées, fût elle le résultat d’une erreur matérielle, a empêché la société d’avoir une connaissance certaine de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, si bien que le jugement sera infirmé pour annuler la mise en demeure et le redressement subséquent. »

La Cour d’appel de Colmar a jugé[3] :

« En l’espèce, la lettre d’observations du 6 juin 2014 fait état d’un total dû en principal de 81 565 euros se décomposant comme suit :

– salaires : 80 546 euros

– régularisation sur réduction générale de cotisations de sécurité sociale : 911 euros

– émoluments : 108 euros

Selon cette lettre d’observations, la somme de 80 546 euros correspond, d’une part, aux cotisations dues suite à la réintégration dans l’assiette des cotisations des sommes versées par l’office notarial à M. [B] [U] et, d’autre part, à une insuffisance d’assiette concernant Mme [J] [T], salariée.

Plus précisément, en ce qui concerne M. [U], la somme réintégrée dans l’assiette des cotisations est de 196 400 euros et les cotisations dues de 80 240 euros et, s’agissant de Mme [T], la somme réintégrée est de 720 euros et les cotisations dues de 306 euros.

Par ailleurs, la lettre d’observations mentionne expressément que le redressement a été opéré, au titre des salaires réintégrés dans l’assiette des cotisations, pour la période de janvier 2011 à mai 2014.

En ce qui concerne les deux lettres de mises en demeure du 4 novembre 2014, elles visent la lettre d’observations du 6 juin 2014 et font mention d’une créance d’un montant total de 88 034 euros se décomposant comme suit :

– 1ère mise en demeure : période du 01/12/2010 au 31/12/2012 : cotisations/salaires : 60 622 euros + cotisations/émoluments : 55 euros + majorations : 5 179 euros ‘ versements effectués : 5097 euros : 60 759 euros.

– 2ème mise en demeure : période du 01/12/2013 au 31/05/2014 : cotisations/salaires : 25 930 euros + majorations : 1 345 euros : 27 275 euros.

Il résulte de ces éléments qu’il existe une discordance entre la lettre d’observations et les mises en demeure concernant le montant total des sommes réclamées au titre des cotisations salariales redressées (80 546 euros dans la lettre d’observations contre 86 552 euros dans les mises en demeure) mais également s’agissant des périodes au titre desquelles les cotisations sont réclamées qui ne correspondent pas aux périodes couvertes par les opérations de contrôle.

Sur ce dernier point, il convient de relever que la mise en demeure vise notamment une somme de 47 000 euros, réintégrée dans l’assiette des cotisations pour la période du 1er décembre 2010 au 31 décembre 2010 et un montant dû de 17 733 euros à ce titre, alors que les opérations de contrôle concernent une période allant de janvier 2011 à mai 2014.

Pour les périodes visées par le contrôle qui correspondent à celles retenues dans la mise en demeure, de nombreuses incohérences peuvent être relevées.

A titre d’exemples, la mise en demeure mentionne une somme de 44 300 euros réintégrée dans l’assiette des cotisations pour le mois de décembre 2012 alors que le tableau inséré dans la lettre d’observations fait état d’une somme de 4 000 euros.

Pour le mois de décembre 2013, la mise en demeure fait référence à une somme de 48 000 euros alors que la lettre d’observations vise une somme de 4 000 euros.

Par ailleurs, la mise en demeure mentionne une somme de 12 000 euros réintégrée pour la période du 1er mai au 31 mai 2014 alors que la lettre d’observations ne fait état d’aucune réintégration pour cette même période.

Les différences entre les énonciations figurant sur la lettre d’observations et les mises en demeure restent inexpliquées et ne permettent pas au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

Il convient dans ces conditions d’annuler les mises en demeure du 4 novembre 2014. »

 

[1] Tribunal judiciaire de Paris – PS ctx protection soc 1 8 août 2024 / n° 22/01489

[2] Cour d’appel de Rennes – ch. 09 ch. sécurité sociale 29 avril 2015 / n° 14/04058

[3] Cour d’appel de Colmar – Chambre 4 SB 11 avril 2024 / n° 21/02097

 




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Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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