Prud’hommes : comment faire condamner un salarié pour procédure abusive ?
L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En application de cette disposition, l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équivalente au dol.
L'abus de droit se définit comme l'acte contraire au but de l'institution, à son esprit, à sa fonction sociale, à sa finalité.
Un abus de droit peut être caractérisé dès qu'une personne titulaire d'un droit ou d'une prérogative en fait un usage non conforme à sa finalité.
La charge de la preuve de l'abus de droit repose sur celui qui l'invoque : il doit apporter la preuve d'une faute c'est-à- dire un détournement de la finalité du droit.
Il doit également démontrer que cette faute lui a occasionné un préjudice.
L'abus de droit est caractérisé si la procédure engagée par une partie dégénère en faute du droit d'ester en justice au regard des circonstances de sa mise en œuvre. Il est nécessaire de caractériser que le demandeur ait eu l'intention de nuire ou d'agir avec une légèreté blâmable[1].
Pour caractériser une faute dans l'exercice d'une voie de droit, les juges doivent relever des circonstances constitutives d'un abus, plus précisément d'un comportement procédural excédant l'exercice légitime du droit d'ester en justice [2].
L’employeur ne doit pas motiver sa demande indemnitaire exclusivement sur le rejet des demandes du salarié à son encontre sans indiquer le fondement textuel de son action ni alléguer d'un quelconque préjudice que le droit d'agir en justice du salarié à son encontre a dégénéré en faute en raison de la mauvaise foi de ce dernier[3].
L'échec du salarié devant la juridiction prud'homale ne suffit pas, à caractériser un abus du droit d'agir en justice, quelle que soit la pertinence des moyens allégués[4].
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi, constitutive d'une faute caractérisant un abus du droit d'agir[5].
Le caractère infondé des demandes ne suffit pas à caractériser un abus de droit[6].
Le seul fait de réclamer à tort le paiement de salaires ne constitue pas un abus du droit d'agir en justice susceptible de motiver une condamnation du salarié à verser des dommages et intérêts[7]
En soutenant que le salarié est de mauvaise foi parce qu'il emploie une argumentation dont il ne peut ignorer le caractère malicieux, l’employeur n'établit pas les circonstances d'un abus de droit[8].
[1] Cour d'appel d'Amiens - 5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE 31 mai 2023 / n° 18/04344
[2] Cour d'appel de Lyon - CHAMBRE SOCIALE A 1 février 2023 / n° 19/07335
[3] Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Chambre 4-1 23 février 2024 / n° 20/09375
[4] Cour d'appel de Douai - Sociale B 23 février 2024 / n° 22/01370
[5] Cour d'appel d'Angers - Chambre Prud'homale 7 décembre 2023 / n° 21/00212
[6] Cour d'appel de Lyon - ch. civile 01 B 9 novembre 2021 / n° 19/04350
[7] Cour d'appel de Versailles - Chambre sociale 4-2 22 février 2024 / n° 21/03388
[8] Cour d'appel de Lyon - CHAMBRE SOCIALE A 15 novembre 2023 / n° 20/05092
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
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