Pour vous défendre contre un redressement URSSAF, demandez la communication du rapport de contrôle prévu à l’article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale

L’article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose :

« IV.-A l'issue de la période contradictoire, afin d'engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement, l'agent chargé du contrôle transmet à l'organisme effectuant le recouvrement le rapport de contrôle faisant état des échanges prévus au III[1]. »

Le rapport de contrôle institué par l'article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale constitue l'aboutissement de la procédure contradictoire et la dernière étape avant l'avis de recouvrement.

C'est sur ce rapport de l'agent chargé du contrôle que l'Urssaf se fonde pour décider ou non du recouvrement et de son montant.

Il s’agit d’un document détaillant minutieusement les opérations de contrôle et précisant notamment les dates, heures, lieux, techniques utilisées lors du contrôle, les personnes interrogées, et encore les documents ou matériels informatiques prélevés.

Ce rapport de contrôle destiné au supérieur hiérarchique de l'inspecteur peut révéler une remise de début de contrôle non formalisée, l'utilisation de clés USB, l'interrogation de tiers à la société, lesquels peuvent entraîner une nullité du contrôle et n'apparaissent pas dans la lettre d'observations.

Il est le seul document permettant à un cotisant contrôlé de vérifier et plus encore de prouver que des manquements à la procédure ont été commis.

 




L'Urssaf a refusé de vous communiquer le rapport de contrôle prévu à l'article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale.

Vous pouvez faire l’assigner en référé afin d'obtenir communication celui-ci.

La Cour d’appel d’Amiens a souligné que[2] :

« suivant décision du 1er juin 2023, la CADA a donné un avis favorable à sa demande de communication du rapport de contrôle, sous réserves notamment que celui-ci ne présente pas un caractère préparatoire à une décision administrative qui ne serait pas encore intervenue ou à laquelle l'administration n'aurait pas définitivement renoncé, et qu'il ne porte pas atteinte au secret de la vie privée de tiers »

« Suivant avis favorable n° 20232526 du 1er juin 2023, la CADA a rappelé que l'Urssaf étant un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, les décisions qu'elle prend et les pièces qu'elle produit dans le cadre du contrôle de l'application de la législation sur la sécurité sociale sont des documents administratifs au sens du code des relations entre le public et l'administration.

Elle a également rappelé qu'en vertu du IV de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, l'agent chargé du contrôle « communique à l'employeur », à l'issue de ce contrôle un rapport de contrôle faisant état des échanges contradictoires décrits au III du même article.

Elle a estimé malgré la position de l'Urssaf qu'en application des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, le document sollicité était communicable à l'intéressé, sous réserve qu'il ne présente pas un caractère préparatoire à une décision administrative qui ne serait pas encore intervenue ou à laquelle l'administration n'aurait pas définitivement renoncé et sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée de tiers ainsi que des mentions portant des appréciations ou des jugements de valeur sur des personnes physiques nommément désignées ou facilement identifiables, autres que le demandeur, ou faisant apparaître leur comportement dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice.

Elle a estimé enfin que la circonstance que l'article R. 243-59 précité n'impliquerait pas par lui-même la communication intégrale du rapport de contrôle établi par l'inspecteur du recouvrement, ainsi que de ses annexes, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. »

Aux termes de l'article 11 du code de procédure civile,

« Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.

Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime. »

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile,

« S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Il entre dans les pouvoirs du juge des référés saisi sur le fondement de l'article 145 d'ordonner aux conditions prévues par ce texte une communication de pièces, ces conditions cumulatives étant l'absence d'instance au fond à la date de la saisine de la juridiction, l'exigence d'un motif légitime, et une demande portant sur une mesure légalement admissible.

Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l'établir, mais qu'il doit justifier d'éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite la mesure n'est pas dénué de toute chance de succès.

Sur l’absence de tout procès

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile qu'une mesure in futurum ne peut pas être ordonnée lorsqu'une instance est ouverte au fond sur le même litige et que celle-ci a été introduite avant le dépôt de la requête. Le juge est tenu d'examiner l'existence de ces conditions au jour du dépôt de la requête.

La Cour d’appel d’Amiens a jugé que[3] :

Le « recours amiable devant la CRA et cette consultation pour avis d'une commission administrative ne constituent pas des instances judiciaires au fond au sens de l'article 145 précité et, partant, que la condition inhérente à l'absence de tout procès au fond à la date de délivrance de l'assignation en référé est remplie. »

 

Sur l’existence d’un motif légitime

Si l'article R. 243-59 précité ne fait pas obligation à l'Urssaf de communiquer le rapport de contrôle de l'inspecteur du recouvrement au cotisant, mais seulement une lettre d'observations motivant les causes du redressement à l'issue des opérations de contrôle, il s'observe néanmoins que rien ne le lui interdit.

Si ce rapport de contrôle est un document administratif préparatoire interne, destiné à l'information de la hiérarchie, préalable à l'établissement de la mise en demeure, lequel ne conditionne pas la régularité de la procédure, il est pour autant un document communicable au cotisant en application de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il s'agit d'un rapport achevé au sens de l'article L. 311-2 du même code, et qu'il n'est pas de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée au sens de l'article L. 311-6 dudit code.

La Cour d’appel d’Amiens a jugé que[4] :

« la production du rapport de contrôle peut renseigner le cotisant sur la manière concrète dont le contrôle a été mené, lui permettre de vérifier en complément des informations contenues dans la lettre d'observations la régularité de la procédure, de connaître le cas échéant les informations transmises par d'autres administrations ou par des personnes physiques entendues ;

Il s'ensuit que la société démontre bien avoir un intérêt légitime à obtenir avant tout procès la communication du rapport de contrôle de l'inspecteur du recouvrement, et ce notamment afin de pouvoir apprécier la régularité des opérations de contrôle, l'importance des manquements qu'elle entend imputer à l'organisme de sécurité sociale, et évaluer la pertinence d'engager ou non une instance au fond par suite de la délivrance de la mise en demeure de l'Urssaf. »

Sur la mesure d’instruction légalement admissible

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Il appartient dès lors au juge, saisie d'une contestation sur le caractère légalement admissible de la mesure d'instruction, d'apprécier si cette dernière est proportionnée au droit à la preuve du requérant, d'une part, et aux droits au secret des affaires notamment ou au respect de la vie privée, d'autre part.

La Cour d’appel d’Amiens a souligné que[5] :

« La CADA a considéré que le rapport de contrôle de l'inspecteur du recouvrement de l'Urssaf, prévu à l’article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale, était bien un document administratif communicable au cotisant, sous réserve notamment qu'il soit achevé et qu'il ne puisse contenir aucune atteinte au secret de la vie privée à l'égard de tiers.

L'Urssaf n'allègue aucune atteinte au secret de la vie privée pouvant résulter de la communication du rapport, objet du litige, ni davantage d'atteinte au secret des affaires, dès lors que la demande émane de la société cotisante elle-même.

En conséquence, le rapport de contrôle constitue une pièce suffisamment déterminée dont l'existence est établie de façon certaine, et sa communication est bien nécessaire à l'exercice du droit à la preuve, tout en restant proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

 Il convient d'ordonner à l'Urssaf du Nord Pas-de-Calais de communiquer à la société  le rapport de contrôle de l'inspecteur du recouvrement prévu à l'article R. 243-59 IV alinéa 1er du code de la sécurité sociale »

 

 

 

[1] L’article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale dispose :

« III.-A l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

Lorsqu'une infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail a été constatée, la lettre d'observations mentionne en outre, le cas échéant :

1° La référence au document prévu à l'article R. 133-1 ou les différents éléments listés au premier alinéa de cet article lorsque l'infraction a été constatée à l'occasion du contrôle réalisé par eux ;

2° La référence au document mentionné à l'article R. 133-1 ainsi que les faits constatés par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail lorsque le constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail.

Les observations sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés. Les observations sont faites au regard des éléments déclarés à la date d'envoi de l'avis de contrôle.

Le montant des redressements indiqué dans la lettre d'observations peut être différent du montant évalué le cas échéant dans le document mentionné à l'article R. 133-1. S'il est inférieur, il est procédé sans délai à la mainlevée des éventuelles mesures conservatoires prises en application de l'article R. 133-1-1 à hauteur de la différence entre ces deux montants. S'il est supérieur, l'organisme peut engager des mesures conservatoires complémentaires dans les conditions prévues au même article à hauteur de la différence entre ces deux montants.

En cas de réitération, postérieure soit à la mise en demeure mentionnée au premier alinéa de l'article L. 244-2 soit à la réception des observations mentionnées au deuxième alinéa du présent IV, d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, la lettre d'observations précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6.

La période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée, qui dispose d'un délai de trente jours pour y répondre. Ce délai peut être porté, à la demande de la personne contrôlée, à soixante jours. A défaut de réponse de l'organisme de recouvrement, la prolongation du délai est considérée comme étant acceptée. La lettre mentionne la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix.

Dans sa réponse, la personne contrôlée peut indiquer toute précision ou tout complément qu'elle juge nécessaire notamment en proposant des ajouts à la liste des documents consultés. Elle justifie, le cas échéant, avoir corrigé, pendant le contrôle, les déclarations afférentes à la période contrôlée, et acquitté les sommes correspondantes pour qu'il en soit tenu compte.

Lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l'agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l'objet d'une réponse motivée. Cette réponse détaille, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés.

La période contradictoire prend fin, en l'absence de réponse de la personne contrôlée, au terme des délais prévus au huitième alinéa du présent III ou à la date d'envoi de la réponse de l'agent chargé du contrôle mentionnée au dixième alinéa du même III. »

[2] Cour d'appel d'Amiens - 2EME PROTECTION SOCIALE 17 janvier 2025 n° 23/03632

[3] Cour d'appel d'Amiens - 2EME PROTECTION SOCIALE 17 janvier 2025 n° 23/03632

[4] Cour d'appel d'Amiens - 2EME PROTECTION SOCIALE 17 janvier 2025 n° 23/03632

[5] Cour d'appel d'Amiens - 2EME PROTECTION SOCIALE 17 janvier 2025 n° 23/03632

 

rapport de contrôle urssaf




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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