Les CPAM et les URSSAF doivent justifier des délégations de signatures de leurs Directeurs

 




 

 

 

Lorsque la CPAM ne justifie pas de la délégation de signature de son directeur, les mises en demeures et contraintes des professionnels de santé sont nulles

En vertu des dispositions de l’article L.133-4 du Code de la sécurité sociale,

« I.-A.-En cas d’inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation (…)

En cas de rejet total ou partiel des observations de l’intéressé, le directeur de l’organisme d’assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l’intéressé de payer dans le délai d’un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

 

Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l’organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. (…) »

 

Au plan structurel, le directeur d’un organisme de sécurité sociale a la faculté, aux termes de l’article R 122-3 du Code de la sécurité sociale, de « déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme. Il peut donner mandat à des agents de l’organisme en vue d’assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile. »

 

 

La Cour d’appel de Bastia a jugé qu’une « lettre recommandée du 10 octobre 2022 avec avis de réception retourné signé du 13 octobre 2022, par lequel la CPAM de VENDEE a mis en demeure Madame [J] de régler sa dette, n’est pas non plus signée par la directrice de la CPAM de VENDEE mais par Mme [V] [R], tandis que la CPAM, qui n’a pas à en justifier sa publicité, ne produit aucun document de délégation de signature en faveur de cet agent de l’assurance-maladie de VENDEE intervenue en qualité de rédactrice, et pas davantage de mandat d’accomplir un acte de la vie civile.

En outre la lettre recommandée avec avis de réception retournée signée de Madame [J] le 4 février 2023, par laquelle la CPAM de VENDEE a émis une contrainte en vertu des dispositions des articles L 161-1-5, R 133-3 et R 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, n’est pas davantage signée par la directrice de la CPAM, mais par Mme [N] [L], agissant pour le directeur et par délégation en qualité de directrice comptable et financière, sans que l’organisme de protection sociale appelant ait pris soin en cours d’instance de fournir la délégation idoine alors que ce point avait été décisif en première instance.

Ainsi, les irrégularités relevées par Madame [J], au stade à la fois de la mise en demeure et de la contrainte concernant la professionnelle de santé, affectant la validité de l’acte querellé, les actes de recouvrement accomplis depuis au moins le 10 octobre 2022 sont dépourvus de validité, leur empêchant de produire effet juridique et financier utiles.

Dès lors sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens tenant au fond de la procédure de recouvrement suivie par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de VENDEE »[1]

 

Lorsque l’URSSAF ne justifie pas de la délégation de signature de son directeur, sa contrainte est nulle

L’article L 244-9 du code de la sécurité sociale dispose que « la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. »

 

Selon l’article R 133-3 du code de la sécurité sociale, « si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 133-8-7, L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. »

Il résulte de ces dispositions que la contrainte doit être décernée par le directeur de l’organisme.

L’article R. 122-3 du code de la sécurité sociale prévoit que le directeur « peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme. Il peut donner mandat à des agents de l’organisme en vue d’assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile. »

La Cour d’appel de Paris a jugé qu’une « contrainte du 24 juillet 2017 porte la signature « Par délégation, Le directeur responsable du recouvrement des travailleurs indépendants, Z Y X » (pièce n°1 de l’appelant) mais l’Urssaf, qui n’a articulé aucun moyen en la matière, ne produit aucune délégation de signature ou de pouvoir au profit de Mme Z Y X.

Il n’est donc pas établi que l’auteur de la signature de la contrainte avait le pouvoir de signer l’acte au nom de l’organisme.

Il y a lieu dans ces conditions d’annuler la contrainte puisqu’il n’est pas établi que son signataire disposait d’une délégation de pouvoirs au moment de la signature, aucun document probant n’étant produit à cet égard. »

La délégation doit viser expressément « la délivrance et la notification des contraintes ».

L’article D253-6 du Code de la sécurité sociale dispose que « Le directeur peut, conformément aux dispositions de l’article R. 122-3, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme.

Il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l’organisme.

Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu’il peut effectuer et leur montant maximum s’il y a lieu.

Le directeur comptable et financier est dépositaire d’un exemplaire certifié des signatures du directeur et de ses délégués. »

La Cour d’appel de Rennes a jugé que lorsque la « délégation vise expressément ‘la délivrance et la notification des contraintes’. M. H avait par conséquent la qualité pour signer la contrainte discutée. »[2]

Lorsque la CPAM ne justifie de la délégation de signature, les pénalités financières des professionnels de santé sont nulles

La Cour d’appel de Grenoble a jugé que « la décision du 28 janvier 2016, par laquelle des pénalités financières ont été notifiées à Mme XX S a été signée par la directrice adjointe X O sous la mention « pour J D et par délégation ».

Il s’en déduit que la directrice adjointe X O n’est pas intervenue pour suppléer à une vacance d’emploi, une absence momentanée ou un empêchement du directeur, mais au titre d’une délégation de pouvoir ou de signature qu’il appartient à la CPAM intimée de justifier.

La CPAM intimée se limite cependant à produire la décision par laquelle J D général de la Caisse nationale de l’assurance maladies des travailleurs salariés avait nommé Mme X O aux fonctions de directeur par intérim à compter du 1er février 2015, qui avait perdu ses effets avec la nomination de la directrice N Q à compter du 1er juin 2015, et qui n’était plus applicable au temps de la décision de sanction du 28 janvier 2016.

Rien n’atteste d’une délégation donnée par la directrice N Q à la directrice adjointe X O au temps de la signature de la décision de sanction en cause.

Le défaut de signature par un agent dûment habilité constitue une atteinte à une formalité substantielle qui vicie encore la décision par laquelle ont été notifiées les pénalités financières à Mme XX S.

En tout cas, la décision de sanction doit être annulée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de l’appelante. »[3]

Lorsque la CPAM ou l’URSSAF ne justifient pas du pouvoir, la déclaration d’appel est irrecevable

Aux termes de l’article R 122-3 du Code de la sécurité sociale, le directeur de la CPAM «  peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme. Il peut donner mandat à des agents de l’organisme en vue d’assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile.

En cas de vacance d’emploi, d’absence momentanée ou d’empêchement du directeur, ses fonctions sont exercées par le directeur adjoint. En cas d’absence ou d’empêchement du directeur ou du directeur adjoint ou à défaut de directeur adjoint, les fonctions de directeur sont exercées par un agent de l’organisme désigné dans les conditions prévues au 7° de l’article R. 121-1. »

Le pouvoir dévolu au directeur d’agir en justice au nom de la caisse ne peut être exercé par le directeur adjoint que dans des cas déterminés, dont il appartient à la caisse de justifier sauf à étendre au-delà des prévisions du texte les pouvoirs de représentation en justice du directeur adjoint.

La Cour d’appel de RIOM a jugé que « la CPAM du PUY DE DOME ne justifiant pas, à la date de la régularisation de la déclaration d’appel, de l’un des trois cas prévus à l’article R122-3 précité du code de la sécurité sociale, il importe de conclure au défaut de pouvoir du directeur adjoint pour interjeter appel au nom de cet organisme à l’encontre du jugement »[4]

 

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que « Mme D A, directrice par intérim de l’organisme disposait de la loi le pouvoir, en cas de vacance emploi, d’absences momentanées ou d’empêchement du directeur, d’exercer les fonctions de ce dernier.

Par contre, la notification de délégation de signature qu’elle a donné le 30 novembre 2020 à la sous directrice régulation pour assurer en son nom toute décision nécessaire au fonctionnement normal des services placés sous sa responsabilité, et en cas d’absence ou d’empêchement de la directrice par intérim et du sous directeur, pour prendre toute décision ou signer tous documents nécessaires au fonctionnement normal de l’organisme ( gestion technique et administrative) n’a pu conférer à cette dernière le pouvoir tiré de la loi d’ester en justice et de décider d’interjeter un appel.

Or, formé, instruit et jugé selon la procédure sans représentation obligatoire, l’appel d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être interjeté par les agents d’un organisme de sécurité sociale, agissant en son nom, qu’à la condition que ceux ci aient reçu de leur directeur un mandat comportant un pouvoir spécial. Une délégation générale de compétence attribuée pour la gestion de l’organisme de sécurité sociale à un agent de direction de celui ci ne vaut pas pouvoir spécial. »[5]

 

 

La Cour d’appel d’Orléans a jugé que « la déclaration d’appel du 8 août 2019 a été formée ‘pour M. D A, Directeur de la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire, par Mme X B, sous directrice GDR et Services en santé’.

L’appelante ne justifie aucunement, ni même n’allègue, que Mme X B avait à cette date la qualité de directeur adjoint et qu’elle avait de ce fait le pouvoir d’agir en justice au nom de l’organisme social, et notamment d’interjeter appel, sans avoir à produire un pouvoir spécial.

Faute d’établir que Mme X B avait la qualité de directeur adjoint à la date de la déclaration d’appel, il appartenait à la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire de démontrer que Mme X B avait reçu du Directeur un mandat contenant pouvoir spécial d’interjeter appel du jugement rendu le 12 juillet 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours ce qu’elle ne fait pas.

Le non respect de cette formalité qui constitue une irrégularité de fond ressortissant aux dispositions des articles 117 et 121 du Code de procédure civile, est sanctionnée par l’irrecevabilité de l’appel (2e Civ., 5 avril 2001 n° 97-04.139, Bull., II, n° 71).

Il convient, par conséquent, ainsi que le sollicite la société Pomona, de déclarer l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire irrecevable. »[6]

 

La Cour d’appel a jugé que « s’il représente l’organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile, le directeur général de l’URSSAF ou le directeur peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d’un autre organisme de sécurité sociale. En outre, l’organisme se défendant lui même, l’agent le représentant n’a pas à justifier d’un pouvoir spécial.

 

Lorsque l’URSSAF établit par ses productions que la signataire de l’acte d’appel, régularisé le 22 mai 2018 sur papier à en tête de l’organisme, bénéficiait d’une délégation de signature en date du 3 avril 2018 dans le cadre du contentieux du recouvrement, «’en cas de décisions de justice défavorables, décider de l’opportunité d’engager ou non un recours et dans l’affirmative de prendre la décision d’interjeter appel et/ou de former un pouvoir en cassation.’» Dans ces conditions, l’appel de l’URSSAF est recevable. »[7]

 

 

[1] Cour d’appel de Bastia – Chambre sociale TASS 19 juin 2024 / n° 23/00143

[2] Cour d’appel de Rennes – ch. 09 ch. sécurité sociale 13 octobre 2021 / n° 18/04073

[3] Cour d’appel de Grenoble – ch. Sociale 21 octobre 2021 / n° 19/00397

[4] Cour d’appel de Riom – ch. civile 04 SOCIALE 17 mai 2022 / n° 20/01136

[5] Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 04 ch. 08 4 février 2022 / n° 21/06006

[6] Cour d’appel d’Orléans – ch. sécurité sociale 7 décembre 2021 / n° 569/2021

[7] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 12 7 mai 2021 / n° 17/00265

 




Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D’UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE