Travail dissimulé : le redressement URSSAF est nul sans assignation des personnes concernées

Dans le cadre d’un contrôle URSSAF, l’administration peut requalifier une relation contractuelle en contrat de travail dissimulé, entraînant un redressement avec réintégration de sommes dans l’assiette des cotisations sociales. Toutefois, un tel redressement doit respecter les garanties fondamentales du justiciable, notamment le principe du contradictoire.

Dans une décision remarquable, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que l'absence d’assignation en intervention forcée des personnes concernées par le redressement URSSAF fait obstacle à toute validation juridictionnelle du redressement opéré. Voici l'analyse juridique complète de cette décision à la lumière des textes et principes applicables.

❝Le redressement URSSAF pour travail dissimulé est nul si les personnes concernées n'ont pas été assignées.❞

Lorsqu’un redressement URSSAF repose sur la requalification d’une relation en contrat de travail dissimulé, l’absence d’assignation en intervention forcée des personnes concernées empêche le juge de vérifier contradictoirement l’existence d’un lien de subordination. En l’absence de contradictoire, le redressement ne peut être validé.




URSSAF et travail dissimulé : quelles conditions pour l’affiliation au régime général ?

L'article L.311-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à la convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité.

L'élément déterminant du contrat de travail est l'existence d'un lien de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Redressement URSSAF pour travail dissimulé : l’importance du lien de subordination

La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé[1] :

« L'inspecteur du recouvrement a considéré que les personnes identifiées par le procès verbal de la DIRECCTE étaient dans un lien de subordination avec le cotisant et a réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes nettes non justifiées sur la base d'un redressement forfaitaire.

La cour constate qu' au stade des investigations menées par l'inspecteur du travail, dont il est justifié par l'URSSAF, aucune de ces trois personnes n'a été auditionnée et les faits de travail dissimulé ont résulté des constatations effectuées sur place le jour du contrôle ainsi que de la vérification des déclarations préalables à l'embauche. »

  

Nullité du redressement URSSAF : absence d’assignation et violation du contradictoire

« Ce chef de redressement a néanmoins pour conséquence de remettre en cause la situation juridique de personnes, non identifiées précisément dans la lettre d'observations, considérées être en lien de subordination avec le cotisant, tenu pour ce motif nécessairement en qualité d'employeur au paiement des cotisations et contributions sociales afférentes aux sommes qu'il leur a versées, analysées comme étant des salaires, alors que l'article 14 du code de procédure civile pose le principe que nulle personne ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

L'absence d'assignation en intervention forcée des personnes concernées par ce chef de redressement, fait obstacle à ce que la cour puisse apprécier leur situation contradictoirement à leur égard, comme de se prononcer sur la nature de leur lien avec le cotisant, c'est à dire sur l'existence du lien de subordination retenu par l'inspecteur du recouvrement et par suite de considérer que la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions au titre du régime général des sommes versées est justifiée.

Le motif relevant de « l'impossibilité de faire » en raison de l'absence des mentions de leur adresse dans le procès verbal initial est inopérant au regard des conséquences inhérentes au redressement réalisé.

Le bien fondé du chef de redressement n°1 ne prouvant ainsi être apprécié par la cour, il s'ensuit que cela fait obstacle à la validation de ce chef de redressement et à la condamnation sollicitée par l'URSSAF. »

[1] Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Chambre 4-8b 4 avril 2025 / n° 23/09050




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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