La lettre d’observations URSSAF du donneur d’ordre doit indiquer celle adressée au sous-traitant

Lorsqu’un donneur d’ordre est mis en cause à la suite d’un contrôle URSSAF pour les faits de travail dissimulé imputés à son sous-traitant, la procédure suivie par l’organisme de recouvrement doit impérativement respecter les exigences formelles du Code de la sécurité sociale. En particulier, la lettre d’observations adressée au donneur d’ordre doit mentionner l’ensemble des documents consultés, y compris la lettre d’observations établie à l’encontre du sous-traitant.

À défaut, la procédure est entachée d’irrégularité.

Une décision récente du Tribunal judiciaire de Nantes confirme la nullité du redressement en cas d’omission de cette indication fondamentale.




Les exigences formelles de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale

Selon l’article R 243-59.III du code de la sécurité sociale,

« III.-A l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

Lorsqu'une infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail a été constatée, la lettre d'observations mentionne en outre, le cas échéant :

1° La référence au document prévu à l'article R. 133-1 ou les différents éléments listés au premier alinéa de cet article lorsque l'infraction a été constatée à l'occasion du contrôle réalisé par eux ;

2° La référence au document mentionné à l'article R. 133-1 ainsi que les faits constatés par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail lorsque le constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail. »

Le Tribunal judiciaire de Nantes a rappelé que[1] :

« Ces dispositions sont applicables à la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre pour la mise en œuvre de sa solidarité financière à l’égard de l’entreprise aux services de laquelle il a eu recours, lorsque celle-ci a fait l'objet d'un redressement de ses cotisations pour travail dissimulé »

La lettre d'observations de l’URSSAF doit précisément identifier les documents consultés par l'inspecteur du recouvrement

La lettre d’observations du sous-traitant : un document indispensable

Lorsque le redressement du donneur d’ordre repose sur des éléments relevés lors du contrôle du sous-traitant, la lettre d’observations qui lui est adressée doit expressément mentionner la lettre d’observations établie à l’encontre de ce sous-traitant,  la liste des documents consultés ne doit pas être approximative.

Cette exigence procède d’un principe fondamental : le respect des droits de la défense et de la transparence de la procédure. Il est impératif que le donneur d’ordre ait connaissance des éléments exacts sur lesquels l’URSSAF fonde ses reproches, en particulier lorsqu’ils reposent sur un contrôle effectué auprès d’un tiers.

La lettre d'observations de l’URSSAF doit indiquer les documents consultés par ses inspecteurs

Une jurisprudence claire : le jugement du Tribunal judiciaire de Nantes

Le Tribunal judiciaire de Nantes a jugé qu’en l’absence de mention de la lettre d’observations adressée au sous-traitant dans celle adressée au donneur d’ordre, la procédure était irrégulière[2] :

« la lettre d’observations adressée [au sous-traitant] a nécessairement été consultée par l’inspecteur du recouvrement signataire de la lettre d’observation adressée [au donneur d’ordre]. En effet, cet inspecteur, qui était l’un des signataires de la lettre d’observations envoyée [au sous-traitant], n’avait pu reprocher [au donneur d’ordre] de ne pas s’être fait remettre par la société sous-traitante les documents mentionnés à l’article D 8222-5 du code du travail pour les sommes facturées par cette dernière, sans s’être lui-même reporté à la lettre d’observations adressée [au donneur d’ordre] lui reprochant différents manquements constitutifs du délit de travail dissimulé. 

Dans ces conditions, faute pour la lettre d'observations adressée [au donneur d’ordre] de contenir l’indication de l’ensemble des documents consultés lors du contrôle, l’URSSAF n’a pas respecté les exigences de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.

Il y a lieu, dans ces conditions d’annuler la procédure de redressement suivie et, en conséquence, d’annuler la lettre d’observations ainsi que la mise en demeure. »

La portée de cette jurisprudence est importante. Elle rappelle que :

  • Toute lettre d’observations doit mentionner de manière exhaustive les documents consultés ;
  • Lorsque le fondement du redressement repose sur une autre procédure de contrôle, le contenu de cette dernière doit être expressément intégré à la lettre adressée au donneur d’ordre ;
  • À défaut, la procédure de redressement encourt l’annulation pour vice de forme, ce qui emporte la nullité de la lettre d’observations et de la mise en demeure qui en découle.

Ainsi, la lettre d’observations adressée à un donneur d’ordre mis en cause au titre de la solidarité financière pour travail dissimulé doit satisfaire aux exigences strictes de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.

Lorsqu’elle repose sur les éléments d’un contrôle mené auprès d’un sous-traitant, elle doit impérativement mentionner la lettre d’observations établie à l’encontre de ce dernier.

Le non-respect de cette formalité entraîne l’irrégularité de la procédure de redressement et justifie son annulation.

Lettre d’observations URSSAF : que doit-elle vous dire ?

 

[1] Tribunal judiciaire de Nantes - CTX PROTECTION SOCIALE 14 mars 2025 / n° 23/00042

[2] Tribunal judiciaire de Nantes - CTX PROTECTION SOCIALE 14 mars 2025 / n° 23/00042




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D'UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE