Condamnation de l’URSSAF Picardie : une contrainte ne peut pas viser des mises en demeure ne portant pas les mêmes dates que celles adressées au débiteur

Il est constant que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation et qu’à cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

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Votre contrainte URSSAF est nulle si elle vise une date erronée de mise en demeure

 

 




 

Le Tribunal Judiciaire de Beauvais a jugé dans une espèce que[1] :

« Monsieur F. a formé opposition à une contrainte laquelle fait référence à :

    • une mise en demeure n°0070132296 en date du 20/03/18,
    • une mise en demeure n°0080007492 en date du 20/02/18,
    • une mise en demeure n°0080061903 en date du 26/09/18,
    • une mise en demeure n°2022212153 en date du 08/03/23.

L’URSSAF produit les quatre mises en demeure portant les mêmes numéros visés dans la contrainte mais celles portant les n°0070132296, n°0080007492 et n°0080061903 sont respectivement datées du 21/03/2018, du 21/02/2018 et du 27/09/2018.

Ainsi, ces trois mises en demeure produites par !’URSSAF comme étant celles afférentes à la contrainte en cause ne portent pas les mêmes dates que celles visées par la contrainte.

Or, s’il est admis que la motivation de la contrainte résulte de la simple référence à une mise en demeure adressée préalablement au débiteur, c’est à la condition que la contrainte qui ne précise pas la cause et la nature des montants réclamés, soit, à tout le moins, précise quant à la mise en demeure à laquelle elle renvoie le débiteur pour connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées.

La contrainte visant des mises en demeure ne portant pas les mêmes dates que celles adressées préalablement au débiteur ne permet pas à celui-ci de connaître avec certitude la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et doit être annulée s’agissant de ces obligations.

S’agissant des sommes réclamées sur le fondement de la mise en demeure n° 2022212153 en date du 08/03/23, le tribunal constate que cet acte comporte les rubriques suivantes : 

    •  » PERIODE(S) » précisant les mois ou trimestres visés,
    • « COTISATIONS ET CONTRIBUTIONS SOCIALES » précisant leur montant,
    • « REGULARISATION AN-1/AN-2 » précisant le montant régularisé,
    •  » MAJORATIONS PENALITES » précisant le montant,
    • « MONTANT DEJA PAYE »,
    • « MONTANT RESTANT A PAYER ».

Il est ajouté s’agissant de la nature des sommes dues « cotisations et contributions sociales personnelles du travailleur indépendant, majorations et pénalités « .

Cette mention est insuffisante pour répondre à l’obligation de motivation, faute de détails sur la nature des obligations.

Par ailleurs, la rubrique « REGULARISATION AN-1/AN-2 » ne permet pas d’établir la nature, la cause et l’étendue de ces régularisations, faute de plus amples explications.

Le tribunal observe aussi que la contrainte litigieuse ne précise pas suffisamment la nature, la cause et l’étendue des montants sollicités. A l’instar de la mise en demeure, la seule précision concernant la nature des sommes dues » cotisations et contributions sociales personnelles du travailleur indépendant, majorations et pénalités  » est insuffisante pour répondre à l’obligation de motivation. Enfin, le tribunal constate que les mentions de la contrainte pour le mois de septembre 2018 sont contradictoires puisqu’il est à la fois indiqué qu’aucune cotisations et contributions sociales n’est due et qu’elles s’élèvent à la somme de 5 325,80 euros.

Partant et sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens, la contrainte devra être intégralement annulée et il y aura lieu de rejeter la demande de l’organisme de recouvrement en paiement des cotisations, contributions sociales et majorations de retard afférentes.

Aux termes de l’article R. 133-6 du code de la sécurité sociale, le tribunal ne peut dispenser le débiteur des frais de signification de la contrainte et de tous les actes de procédure nécessaires à son exécution tout en jugeant l’opposition non fondée.

Compte tenu de l’annulation de la contrainte, il y aura lieu de condamner l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales de Picardie aux dépens de l’instance et de rejeter sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les frais de signification de la contrainte resteront à la charge de l’organisme de recouvrement.

L’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales de Picardie, partie succombant, devra verser à Monsieur F. la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

 

 

[1] Tribunal Judiciaire de Beauvais 1er août 2024 n° RG 23/00523

 

 




Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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