Les redressements sont annulés lorsque les procès-verbaux pour travail dissimulé ne sont pas produits par l’URSSAF devant les tribunaux

Lorsque l’URSSAF engage un redressement à l’encontre d’un donneur d’ordre en invoquant un travail dissimulé commis par son cocontractant, elle doit être en mesure d’en rapporter la preuve devant le Tribunal. Conformément à la jurisprudence constante, si le donneur d’ordre conteste l’existence ou le contenu du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, l’URSSAF est tenue de produire ce document devant la juridiction de sécurité sociale. À défaut, le redressement est frappé de nullité. Explications juridiques et analyse d’un point de droit crucial pour les donneurs d’ordre confrontés à une procédure URSSAF.

Le redressement URSSAF est annulé si le procès-verbal pour travail dissimulé n’est pas produit devant le Tribunal

En cas de contestation, l’URSSAF doit produire le procès-verbal de travail dissimulé devant le Tribunal, sous peine de nullité du redressement.

Sans ce document, et si le donneur d’ordre en conteste l’existence ou le contenu, le redressement URSSAF est annulé.




Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

Il se déduit de ces textes que si la mise en œuvre de la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale à l'égard du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.

La Cour de cassation a jugé[1] :

« Ayant constaté que l'URSSAF s'était abstenue de produire le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant alors que le donneur d'ordre contestait la régularité de la procédure à défaut de communication de ce document, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la production de cette pièce, en a exactement déduit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont avait bénéficié ce dernier devait être annulé. » 

[1] Cour de cassation - Deuxième chambre civile 10 avril 2025 / n° 22-23.377


L'article 14 du code de procédure civile dispose que nulle personne ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

La Cour de cassation a, dans son arrêt en date du 9 mars 2017[1] rappelé que nul ne pouvant être jugé sans avoir été entendu ou appelé, posé le principe qu'une cour d'appel ne peut, sans méconnaître l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 312-2 du code de la sécurité sociale, alors que le litige dont elle était saisie portait sur la qualification des relations de travail, se prononcer sans qu'aient été appelés dans la cause les parties concernées par le contrat de travail[2].

L'absence de mise en cause par l'URSSAF des salariés pour lesquels la situation du travail dissimulé a été retenue, sur lequel repose un chef de redressement, portant annulations des réductions générales de cotisations ainsi que des déductions dites loi Tépa, fait en outre obstacle à la poursuite de son action en recouvrement forcé[3].

[1] Cass. 2e Civ., pourvoi n°16-11.535, 16-11.536, Bull. 2017, II, n°54

[2] Cass. 2e Civ., 22 juin 2023, pourvoi n° 21-17.232

Cass. 2e Civ., 7 avril 2022 pourvoi n°20-21.622

Cass. 2e Civ., 18 février 2021 pourvoi n° 20-12.21622

[3] Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Chambre 4-8b 14 mars 2025 / n° 23/00414


L'article L. 8222-2 du code du travail met à la charge du donneur d'ordre une obligation de vigilance qui l'oblige à s'assurer que ses cocontractants respectent leurs obligations en matière de travail dissimulé, telles que prévues à l'article L. 8222-3 dudit code. A défaut, si un procès-verbal est établi à l'encontre du cocontractant sur ce fondement, le donneur d'ordre est tenu solidairement au paiement des sommes énoncées à l'article L. 8222-1 du même code.

Par une décision n°2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le conseil constitutionnel a déclaré conforme à la constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 précité, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

Il en résulte que si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l'encontre de son cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation, par le donneur d'ordre, de l'existence ou du contenu de celui-ci[1].

Si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre n’est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l’encontre du cocontractant, l’organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d’ordre de l’existence ou du contenu de ce document[2].

Lorsque l’URSSAF ne produit pas en justice le procès-verbal d’infraction pour travail dissimulé dressé à l’encontre du cocontractant, plaçant ainsi le donneur d’ordre dans l’impossibilité d’en contester le contenu, dans ces conditions ce dernier ne peut au titre de la solidarité financière être tenue au-delà de son sous-traitant, employeur ayant exercé le travail dissimulé. Il y a lieu d’annuler le redressement notifié[3].

[1] Cass. 2e Civ., 6 avril 2023, n°21-17.173

[2] Cass. 2e Civ. 8 avril 2021 n° 20-11.126, n° 19-23.728, n° 19-17.601

Cass. 2e Civ. 6 avril 2023 n° 21-17.173

Cass. 2e Civ. 1er décembre 2022 n° 21-14.702

Cass. 2e Civ. 23 juin 2022 n° 20-22.128

Cass. 2e Civ. 24 juin 2021 n° 20-10.946

Cass. 2e Civ. 3 juin 2021 n° 20-14.013

[3] Cour d’appel de Besançon 14 janvier 2025 n° 22/01935

Cour d’appel de Besançon 14 janvier 2025 n° 22/01933

 




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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